Suite de l’échange entre Tuttosport et Max Allegri. Après un long monologue, Max se laisse guider par les questions du quotidien :

« Pour gagner, il faut les meilleurs joueurs »

Les résultats de la Juve sont excellents, mais le jeu est souvent critiqué.
« Je suis arrivé dans cette phase de transition entre les entraîneurs avant Sacchi et les entraîneurs après Sacchi. Arrigo a été un grand. Il a innové avec une méthodologie d’entraînement portant sur une mentalité et une culture différente, le pressing… L’erreur, c’est qu’ensuite, tout le monde a voulu imiter Sacchi. Et maintenant, tout le monde veut imiter le Barça. Non, la Juventus est la Juventus, le Barça est le Barça et le Bayern est le Bayern. Chacun a sa tradition et sa culture qu’on ne peut modifier. Si la Juventus, en plus de 100 ans d’histoire a autant gagné, c’est parce qu’elle possède sa propre façon de travailler et sa propre manière d’aborder les rencontres. Bien qu’en 2016, il soit important d’évoluer, nous ne pourrons jamais devenir une équipe espagnole ».

Sur quoi faut-il miser alors ?
« Nous, et c’est un discours qui vaut pour tout le football italien, devons travailler sur nos atouts qui sont la tactique et la malice, parce que sans enlever quoique ce soit aux autres, nous, les Italiens, somme plus attentifs. Le football espagnol et le football anglais ne peuvent être imités. La Premier League est orientée vers les sports américains. C’est un show dans lequel on t’applaudit peu importe le résultat, il suffit que tu cours. Une telle chose en Italie n’arrivera pas avant 200 ans au moins. L’Angleterre est un pays merveilleux, mais différent du notre : on travaille et on va au stade. Chez nous, on va skier, on va se promener à Rome, Florence… Je suis convaincu que jouer le 26 décembre n’aurait pas le même succès en Italie qu’en Angleterre ».

Vous misez beaucoup sur l’occupation de l’espace. Comment l’expliqueriez-vous à un enfant ?
« Si tu viens là où je suis, je dois aller à ta place sinon l’espace reste libre. Comme le dit Galeone (le mentor d’Allegri ndlr), il faut éviter la bagarre. D’après vous, c’est plus facile de défendre à deux défenseurs contre trois attaquants, à trois contre quatre ou quatre contre cinq ? La réponse est quatre contre cinq. Parce que si j’ai quatre défenseurs contre cinq attaquant, les espaces sont presque tous occupés. Nous, en phase de possession, nous devons occuper certains espaces et en phase défensive, il faut en occuper d’autres ».

Un exemple ?
« Au milieu de terrain, avant, nous avions Pogba et Vidal, deux milieu de terrain très classiques. Cette année, en revanche, nous avons trois milieux de terrain habitués à jouer de manière moins ordonnée, surtout Pjanic. Miralem, à la Roma, recevait le ballon dans les pieds et faisait ensuite la différence. Chez nous, c’est différent. Mais à la fin, il n’y a qu’une chose qui compte : les trois milieux de terrain peuvent permuter mais il est fondamental qu’ils occupent certains espaces et couvrent des trajectoires bien précises. Guardiola aussi mise sur l’occupation des espaces, et pas simplement sur les schémas de jeu. Les courants de pensée varient en fonction des entraîneurs, mais à la base de tout, il y a surtout de bons joueurs. Je prends toujours exemple du basket, ma passion. Le terrain est petit, on fait des schémas et des blocs, les joueurs ont trois secondes pour penser mais à la fin, ils donnent le ballon au meilleur qui sort du bloc et tire. Et ils font cela au détriment de tous les schémas de jeu. Tu gagnes si tu as les meilleurs joueurs, ceux qui font la différence sur un dribble, une occasion, une magie ».

« Les journalistes sont trop exigeants »

Que faut-il pour revoir le Dani Alves du Barça ?
« Dani vient d’un football différent, qui n’est pas meilleur ou moins bon. C’est un joueur qui, quand le milieu de terrain s’excentre, se place dans l’axe sans que l’entraîneur lui dise quoique ce soit. Et si le milieu revient de l’axe, il s’excentre. Dani Alves doit faire du Dani Alves, il doit échanger avec ses coéquipiers dans des petits espaces. Le problème est tout autre ».

Et quel est-il ?
« Quand le championnat se termine, dans ma tête, je note les joueurs. Si un garçon fait une saison digne d’un 6, ça me va tandis que vous les journalistes ça ne vous convient pas. Vous vous attendez à ce que les joueurs fassent des choses qui ne sont pas dans leurs cordes ».

Vous pensez à Hernanes ?
« A lui aussi. Il est très critiqué alors qu’il fait des bons matchs. On le massacre parce qu’on s’attend à ce qu’il fasse des choses qu’il ne sait pas faire. Tout comme on ne peut pas demander à Evra de faire exactement la même chose qu’Alex Sandro alors que Patrice a d’autres caractéristiques. C’est comme lorsqu’on va à Rome l’année dernière et qu’on attend de Padoin des passes à la Pirlo. Andrea est unique, et on ne peut pas espérer que n’importe quel joueur évoluant devant la défense joue comme lui ».

« Rugani est le futur de la Juventus »

Mais les joueurs peuvent progresser ?
« Individuellement, nous travaillons beaucoup pour améliorer les joueurs au niveau technique. Surtout les jeunes. Je pense par exemple aux progrès exponentiels de Rugani. La saison dernière, il est arrivé d’Empoli et tout le monde le félicitait parce qu’il n’avait jamais pris de carton jaune. Je l’ai pris au part et je lui ai dit : ‘Ils t’applaudissent mais ils ne comprennent rien. Ne pas prendre de carton n’est pas une bonne chose : tu dois donner des coups’. Et maintenant, Rugani est un joueur important. Tant sur le plan physique, où il a beaucoup progressé, que mental et technique. Il a amélioré ses deux pieds. Daniele venait d’Empoli, où la défense recule souvent, donc avec peu de duels physiques et de contacts. A la Juventus, c’est le contraire. Les défenseurs doivent jouer l’un contre l’un sur tout le terrain. Un défenseur central digne d’une grande équipe doit être rapide et savoir lire et gérer l’un contre un. Maintenant, Rugani est un joueur important, mais vraiment important. C’est le futur de la Juventus et avec Romagnoli, c’est peut-être même le futur de la Nazionale ».

Quelle relation avez vous avec Buffon, Barzagli, Bonucci et Chiellini ?
« Ils m’aident, mais ils ont aussi besoin d’aide. Pourquoi ? A ma première saison, on a changé trois joueurs. Le seul nouveau titulaire, c’était Evra qui jouait à la place d’Asamoah. L’équipe, en fin de compte, n’avait pas changé et j’ai pu intégré mes concepts dans une machine qui fonctionnait parfaitement. La saison dernière par contre, dix joueurs sont arrivés, d’autres sont partis, et pas seulement des grands joueurs mais des éléments importants du vestiaire comme Storari, Pepe, Llorente… Pour les sénateurs, ça n’a pas été facile de voir dix nouveaux joueurs dans le vestiaire. Et ils se demandaient si ils étaient capables de rééditer leur saison. Les sénateurs sont des champions, mais comme tous les êtres humains, ils ont des craintes et des doutes ».

« Nous sommes imprévisibles »

Gonzalo Higuain a été le grand coup de l’été. Quand avez-vous compris qu’il viendrait ?
« A la fin du championnat, nous nous sommes rencontrés avec la direction et on s’est dit : ‘le joueur à prendre cette année pour renforcer l’équipe est Higuain’. Gonzalo te garantit des buts, c’est un attaquant de grande valeur. La société a été excellente : à la Juve, ils savent planifier les choses à l’avance ».

Pourriez-vous assumer le rôle de directeur sportif ?
« Je ne tiendrais même pas une journée dans la rôle de Marotta. Il a un cerveau qui va à 300 à l’heure, il est vraiment extraordinaire. Mais c’est toute la direction de la Juventus qui est à un très haut niveau : ils sont jeunes et compétents. Aucun doute, c’est une de nos plus grandes forces et ce n’est pas un détail : quand les bianconeri ont eu une société forte, ils ont toujours gagné. Ici, les joueurs et les entraîneurs passent mais le club passe avant tout ».

Au delà des buts, qu’est ce qui te plaît le plus chez Higuain ?
« Il démontre toujours une grande disponibilité. Higuain a recommencé à jouer avec l’équipe, ce qu’il faisait déjà avant d’aller au Napoli. Contre le Chievo, il a dézoné, il est venu cherché les ballons, s’est déplacé entre les lignes. C’est un garçon intelligent et il a plus un caractère d’européen que de sud-américain ».

Maintenant, il ne vous manque plus que le fameux trequartista ?
« C’est une histoire qui m’amuse. Mon meneur de jeu a toujours été un joueur atypique. A Cagliari, j’avais Cossu, à Milan Boateng. Avec Higuain, il faut jouer avec deux meneurs de jeu, pas un ».

En Ligue des Champions, vous avez essayé Pjanic derrière les attaquants. Satisfait ?
« C’est une solution. Miralem doit être protégé. Contre le Chievo, on a vu qu’il était mieux en mezzala avec un ailier qui couvre le terrain ».

Contre le Chievo, Mandzukic a été très intéressant dans sa position de ‘faux ailier’.
« Mario a d’abord été un ailier. A Wolfsbourg, il était sur les côtés parce que l’attaquant de pointe était Dzeko. Et son but conte le Chievo, il l’a marqué en faisant un geste d’ailier ».

Le 4-3-3 de Vérone peut-il être le nouveau système de jeu ?
« Pour le moment, nous sommes une équipe qui n’a pas une tactique fixe. Nous sommes imprévisibles et c’est un avantage : en étant moins ordonnés, nous donnons moins d’indications à l’adversaire ».

En parlant de Mandzukic, comment l’avez-vous convaincu de rester malgré l’arrivée de Higuain ?
« Le championnat est long, il suffit de voir Dybala qui s’est blessé. L’important, c’est que tout le monde partage le même objectif. Mandzukic joue en ce moment. Au Bayern ou au Real, la situation serait la même. La seule alternative pour lui serait d’aller dans une équipe de moins bon niveau. Soit il s’en allait dans un club comme Southampton, soit il comprenait qu’il valait mieux rester. Il a compris ».

Vous êtes encore en contact avec Pogba ?
« Nous avons d’excellentes relations, même si il perdait toujours contre moi au foot ou au basket. Si Paul était mon chouchou ? J’en ai eu dans toutes mes équipes : Matri à Cagliari, Robinho au Milan. Ici, Khedira et Mandzukic sont vus comme les petits préférés, peut-être parce que je leur ai laissé quelques jours de permission ».

Comment gérez-vous ce qu’il se passe dans le vestiaire ?
« Je ne m’en mêle pas. Ce qui arrive dans le vestiaire reste dans le vestiaire, ce sont leurs affaires. Je n’interviens que quand des problèmes se créent. Mais ici, à la Juve, j’ai un groupe très responsable ».

Qui sera le juventino de l’année 2017 ?
« Ce sera Pjaca ».

Alex Sandro est toujours titulaire, mais le Brésil continue de l’ignorer, vous êtes surpris ?
« En ce moment, c’est un des meilleurs latéral du monde. Il vient du championnat portugais, où on joue peu de matchs de haut niveau dans une saison, mais il a beaucoup progressé et engrangé de l’expérience. Evra est plus malin mais Alex Sandro ne discute pas ».

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