Comme les meilleures séries TV: une fin de saison qui retient son souffle, un scénario qui semble laisser tout ouvert, mais quelque chose doit arriver et arrive. Il arrive que la Juve gagne son septième scudetto consécutif, après des hauts et des bas, des sourires et des soucis, dans une saison risquée, comme les aime Massimiliano Allegri. Mais plus que jamais, le technicien a dû faire face à des pièges et des problèmes.

Un début de saison mitigé

Son cinquième scudetto personnel est arrivé au moment où il semblait le plus perdu. Avec les critiques, de plus en plus violentes et les tifosi en pleine révolte. Allegri est habitué à la contestation sur le manque de temps de jeu et à l’insatisfaction des esthètes: il répond par les chiffres, qui ne suffisent pas, mais qui en disent long.

Dix saisons en Serie A, cinq scudetti gagnés. Cela n’est pas rien, surtout si on ajoute deux finales de Ligue des Champions. Et pourtant, comme dans les meilleures séries TV, les rebondissements ne manquent pas.

La saison “Allegrienne” débute mal, avec la défaite en Supercoppa contre la Lazio. La Ligue des Champions n’est pas formidable et en championnat il se retrouve à pourchasser le Napoli de Sarri dans un choc de style. En automne, la Juve perd à domicile contre la Lazio et s’effondre contre la Samp; alors que le Napoli continue de gagner, avec un jeu qui submerge la Vieille Dame. Les champions arrivent à un désavantage de 5 points, aussi, Dybala et Higuain finissent sur le banc avec une certaine controverse. Allegri utilise plusieurs systèmes de jeu différents et peine à trouver l’équilibre. Il teste longuement Bernardeschi, comme à son habitude avec les nouveaux arrivants et cherche la bonne position pour tirer le meilleur parti des qualités de Costa.

En décembre, la Juve fait 0-0 à domicile contre l’Inter, mais ce match donne de bons sentiments au technicien. Gagner difficilement est devenu une habitude et renforce son idée d’une équipe capable de gagner des points même en jouant mal.

Allegri craint l’Inter pragmatique et physique de Spalletti et pas seulement le Napoli dont il connaît le jeu par coeur.

Digne des plus grands

En effet, la Juve, ayant le contrecoup du match contre les nerazzuri, va gagner au San Paolo en sortant le grand jeu, un jeu qui enlève des certitudes au Napoli et à leurs tifosi. Higuain joue et marque l’unique but du match, alors qu’il revient d’une petite opération à la main d’un accident survenu à l’entraînement. Allegri place l’ex-Napolitain dans un 4-3-2-1 qui bloque les adversaires. Matuidi, souvent utilisé pour renforcer le milieu de terrain au cours de la saison, est décisif. La plus grande surprise est Douglas Costa, qui n’est pas toujours titulaire, mais à la fin des comptes, est plus que décisif dans la quête du scudetto. Le tacticien le laisse libre de créer et quand il est dans un bon jour, il devient une clé tactique importante.

Puis, revient l’heure de Lazio-Juve, les compteurs sont remis à zéro après la victoire des joueurs d’Inzaghi à l’aller. Allegri choisit de faire jouer Dybala, un peu au hasard; le facteur le plus important est toujours le même: la gestion du vestiaire, le bâton et la carotte comme il le dit, avec autant de champions qui n’arrivent pas toujours à montrer le meilleur d’eux-mêmes.

Dybala auteur du seul but contre la Lazio le 3 mars 2018

Le Mister est bon pour donner la chance à tout le monde, sur la gestion des joueurs il est difficile de le critiquer : comme Ancelotti et plus tôt Lippi et Capello, il sait comment motiver celui qui n’a plus le goût au jeu, il sait comment rétablir le calme et apaiser les tensions.

Cela a toujours été sa force, dans un environnement où les pressions se multiplient à la vitesse de la lumière. De cette façon, il a réussi à faire probablement le banc le plus bouillant d’Italie. Et de cette façon, il a réussi à gagner quatre titres consécutifs, un de plus que Conte.

Un résultat qui amène la série de la juve à sept, dans les cinq meilleurs championnats d’Europe, seul Lyon avait jusque là réussi à le faire. Et c’est arrivé à sa manière, avec une équipe qui n’a pas ébloui les spectateurs, mais qui a défié les lois du temps. Avec une défense de plus de 30 ans, qui a toujours été le point fort de la Juve et un gardien de 40 ans, Allegri a décroché une autre satisfaction, s’emparant d’un titre qui force les critiques à se taire. Il ne produit pas un jeu d’une grande beauté, mais il produit des succès et cela sera difficile de trouver son successeur. Ce n’est pas une coïncidence si Marcello Lippi l’a incité à épouser la Vieille Dame, avec son pragmatisme, Allegri est, toutes proportions gardées, le digne héritier de Capello, Trapattoni et de Lippi lui-même.  Un exemple de l’école italienne, sans céder aux illusions, à l’abjuration et sans rompre les traditions.

«Défendre n’est pas un péché, gagner est la seule chose qui compte, si vous voulez du spectacle allez au cirque»

Allegri en conférence de presse avant Monaco-Juventus

Patience et intelligence

C’est ça les victoires de Max, des matches mesurés au millimètre près, des changements toujours décisifs et une excellente lecture des points faibles de l’équipe adverse. Et si la victoire à Tottenham lui offre des compliments et améliore son image en Europe, certains accidents provoquent le retour des critiques.

Les dires sont toujours les mêmes: la Juve a trop de bons joueurs pour jouer comme elle joue, Allegri est trop radin, les résultats sont là, mais ne suffisent plus. Pourtant, le coach tire droit, même lorsque le Napoli devient champion d’hiver, même quand le Réal surclasse la Juve à la maison, même quand la remontada manquée au Bernabeu semble avoir lessivé ses joueurs.

Un autre moment clé de la saison: la Juve remonte dans la course au titre en battant nettement la Samp, mais la crise est dans l’air et le pire se dessine au loin.

Après la retournée arrière de Ronaldo, voici le moins stigmatisant, mais le plus choquant, le but de Simy à Crotone, Szczesny battu, le match se termine sur une égalité, la Juve s’effondre à nouveau. En peu de jours, les bianconeri passent du possible +7 sur le Napoli à l’inquiétude de repasser seconds. Et puis, la défaite contre le Napoli à domicile dans les dernières minutes du jeu, dernières minutes exécrables, qui arrachent le match et qui rappellent le but encaissé face à Madrid.

Juventus 0 – 1 Napoli (Koulibaly 90′)

La Juve de ces dernières années a vécu et même survécu avec sa devise, fino alla fine, qui est devenue virale. Dans la course finale au scudetto, Allegri est resté impassible. Mais pas toujours! Après la défaite à domicile contre Sarri, il s’est laissé emporté d’une façon inhabituelle pour lui. Mais son style est resté et restera celui d’un manager glacial. La supériorité de la tradition, l’habitude de se battre sous pression, sont les caractéristiques de la Juve, la Società la plus aimée, mais en même temps la plus détestée d’Italie.

Allegri a compris la situation à peine arrivé à Vinovo, en été 2014, pour recevoir l’héritage de Conte. Imaginatif et méticuleux, l’ex numéro 10 sait qu’il peut encore étudier plus, mais ne s’y applique pas. La victoire a plutôt été appliquée avec le dévouement et non la science du football, avec de la patience et l’intelligence que détient l’artisan capable de faire des changements aux points défectueux, avec une audace qui ne l’a jamais quittée.

Il est encore une fois devenu champion d’Italie. Sans lancer sa veste ou son manteau, cette fois, en affrontant des moments difficiles.

Allegri lance son manteau contre Carpi en décembre 2015

Maintenant, peut être qu’il se reposera en mer, sur le canot, désormais emblématique. Le successeur qui se présentera devra faire face à des difficultés beaucoup plus grandes que celles qu’il a dû affronter dès le premier jour, vivant dans l’ombre de Conte.

Parce que le septième scudetto est quelque chose qui va au-delà des saveurs, au-delà de la chance et même au-delà du chiffre d’affaires.

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