Dans une longue interview accordée à La Repubblica, Gianluigi Buffon s’est exprimé sur les différents thèmes le concernant. De l’Italie, à la Juventus, en passant par sa vie personnelle mais aussi, et surtout, son futur. Retour sur ses mots, comme toujours, sans langue de bois.
La non qualification de l’Italie à San Siro contre la Suède
« Vous ne me croirez peut-être pas mais en ce moment je suis quelqu’un d’heureux. Les larmes de Milan allaient au-delà de l’amertume d’une chute que nous pensions impossible, elles ont été la conséquence d’une grande responsabilité sportive que l’on a par rapport au pays entier et la réaction d’un homme qui, à 40 ans, ressent les émotions de manière plus profonde par rapport à quand il en avait seulement 20. »
Sa blessure
« Dans la vie rien n’arrive par hasard. La trêve m’a fait du bien. Cela m’a envoyé un message clair et m’a contraint à réfléchir. Aujourd’hui je ressens en moi un désir de compétition anormal pour mon âge… »
Jouer une saison de plus ?
« Je rencontrerai bientôt le président Andrea Agnelli et nous en parlerons. Je veux le bien de l’équipe, comprendre quel type de costume je pourrais endosser, si la Juventus pense que je peux encore être important. J’aimerais continuer mais la meilleure solution sera trouvée avec la Société. Nous devons construire ensemble, si possible, un parcours logique et partagé. Ce qui est sûr, c’est que je ne veux pas devenir un problème ni pour la Juve ni pour mes coéquipiers. »
Une alternance possible avec Szczesny ?
« J’ai toujours donné de l’espace aux autres. Je suis content pour lui. C’est un grand gardien et si nous devions gagner le championnat cette saison, une grande part du mérite lui reviendrait. »
Si Agnelli refusait qu’il continue à jouer, irait-il ailleurs ?
« La Juve ou rien. »
Son état physique
« Je ne veux pas passer pour un vieux qui se ment à lui-même pour s’agripper avec les ongles et les dents à son poste et son monument. Cette saison j’ai fait une erreur contre l’Atalanta et une sur un coup franc de l’Espagne. J’ai joué des matchs phénoménaux, d’autres normaux, d’autres un peu plus modestes, pourtant la FIFA m’a désigné meilleur gardien de 2017. Je me sens comme je me sentais il y a 7 ans. C’est la vérité. Si vous n’êtes pas convaincus vous pouvez aller demander à mes entraîneurs qui m’évaluent sur le terrain tous les jours. »
Son futur
« Je n’y ai pas encore pensé. Il y a quelques jours j’ai demandé conseil à Lippi. Nous nous sommes appelés au téléphone. Marcello m’a dit de prendre une année sabbatique et de regarder le monde du football de l’extérieur, avec un peu de recul, essayer de comprendre ce qui m’intéresse vraiment. Je ne recherche pas un refuge, je préfère avoir un peu d’anxiété sur les épaules. J’ai toujours vécu avec la peur, en vieillissant j’ai appris à la tenir à distance. J’ai gagné en humilité. Ce que je ferai ensuite ? Je me remettrai à travailler. C’est tout. »
Un travail en survêtement ou en veste et cravate en tant qu’entraîneur ?
« Si cela doit arriver, je ne serai pas l’entraîneur d’un club. J’ai une femme et 3 enfants que j’adore. Et surtout derrière moi, 28 ans de vie quotidienne organisée par d’autres, minutes après minute. Je voudrais me prendre le luxe de m’ennuyer. Il y a des moments dans lesquels je voudrais être seul mais vraiment tout seul. Avoir des demi-journées à moi où je peux faire tout, où rien ne me serait interdit. »
Gigi, entraîneur de la Nazionale ?
« C’est une charge d’entraîneur qui ne me déplairait pas. C’est une occupation stimulante avec une responsabilité institutionnelle et éducative. Tu représentes un pays entier. Unis, pas divisés. Attention je n’ai pas dit que je voulais être le sélectionneur de l’Italie, juste qu’entraîner une équipe nationale serait intéressant. »
Ses enfants
« Louis m’a demandé il y a quelques mois si j’arrêterais et je rentrerais à la maison. Il m’a dit : ‘‘ Je serais content pour nous, mais un peu moins pour toi.’’ Je suis un papa intermittent entre les matchs de championnat et de ligue des champions. Mes jours libres sont très réduits. Quand nous sommes ensemble je voyage dans le temps. Je les emmène dans le monde qui était le mien lorsque j’étais enfant. Je les fais jouer au ballon en montée ou sur le ciment dans les cours, entre les voitures garées là. On passe des moments en famille. »
Ce qui lui manquera de la vie du football lorsqu’il s’arrêtera
« Peu de choses. L’odeur du vestiaire. Les conversations amicales et animées avec les coéquipiers, celles qui te font rester jeune plus longtemps que ce que la biologie indique. Je ne crois pas que les gestes du gardien (enfiler les gants, mesurer la cage, le défi du regard avec l’adversaire,…) me manqueront. Ce sont des gestes que j’ai répété pendant trop d’années. Toutes les passions pâlissent et s’atténuent avec le temps qui passe. Je n’aurai pas de regrets. »
Ses souvenirs les plus anciens
« Moi petit garçon, le terrain de terre du Bonascola à Carrara, les visages des premiers entraîneurs. Auro Menconi, Ermes Fulgoni e Ermes Polli, qui pour nous tous était le postier. Ce sont les souvenirs les plus anciens qui me reviennent et qui m’émeuvent. Ensuite, mon père qui m’a enseigné la simplicité et aussi de ne jamais me contenter de ce que j’avais. Je pouvais sortir du terrain après avoir repoussé 18 penaltys il me disait : tu as fait un bon match. »
Son autobiographie en une ligne
« J’ai été obstiné sans être ennuyeux. »