C’est un beau cadeau de Noël que la Gazzetta offre à ses lecteurs ce 28 décembre. Une longue interview de Del Piero dans laquelle Il Capitano évoque la Juventus, la Serie A, ses duels avec l’Inter… Mais en prélude à cet entretien, il a surtout parlé de son présent et de son avenir : « Je suis entrain de tester les nombreux aspects d’un monde qui est encore le mien. Avant d’aller à l’étranger, j’aurais dit que devenir entraîneur ne m’intéressait pas. Puis, j’ai connu d’autres aspects de l’environnement dans lequel j’ai toujours vécu. Les expériences que j’ai faites m’ont ouvert l’esprit, m’ont rapproché à de nombreuses formes du football. Cela dit, pour le moment, je n’ai pas prévu de passer le diplôme d’entraîneur. Je regarde autour de moi, je m’informe et je m’amuse ».
Del Piero est encore une légende pour les juventini. Avec le récent tirage au sort de la Ligue des Champions, on se remémore tous ton but contre le Bayern…
« Oui, je m’en souviens. C’était un match de poule, Capello était sur le banc. A Munich, nous avions gagné 1-0 à la dernière minute ».
Quels conseils donnerais tu à Allegri et tes anciens coéquipiers ?
« Eh, c’est un peu tôt pour donner des conseils. En deux mois, beaucoup de choses peuvent changer. Je crois qu’il est important pour la Juve d’avoir tout ce temps pour préparer la rencontre. Dans tous les cas, il est préférable, pour de nombreuses raisons, de rencontrer une équipe comme le Bayern en huitièmes plutôt qu’à un stade plus avancé de la saison. La Juve, à domicile, a le potentiel pour faire un très bon match contre les Allemands, le stade et le public ont une grande valeur et peuvent pousser l’équipe. Il y a aussi la manière de se préparer du point de vue psychologique pour aborder cette rencontre dans les meilleures conditions ».
La Juve est revenue dans la course pour le Scudetto et le duel avec l’Inter est de retour.
« Ce duel antique semble se démarquer, mais je n’oublierai pas les équipes qui sont encore là. La Roma a dans ses cordes le potentiel pour lutter jusqu’au bout, elle a surpris en bien à Naples dans un moment difficile puis il y a eu l’accident en Coppa Italia, mais en championnat, elle est repartie. Le Napoli joue le football le plus agréable à voir avec la Roma ».
La Fiorentina de ton ancien coéquipier, Paulo Sousa, a aussi envoyé des messages importants.
« Je parle du Napoli et de la Roma avant la Fiorentina en attendant d’avoir des confirmations sur le long terme, que l’on pourra obtenir dans les prochains mois. Mais au niveau de la qualité de jeu, il n’y a aucun doute : la Fiorentina est une belle équipe. Elle a perdu à Turin contre la Juve et ça peut arriver car quand elle pousse à 100%, la Juve peut battre n’importe qui. Ce n’est pas un faux pas qui va ruiner les progrès des derniers mois. La Fiorentina, jusqu’ici, est une surprise, nous verrons ce que ça donnera sur le long terme mais c’est justement avec toutes ces équipes qui font de bons parcours qu’il me semble prématuré de réduire la lutte pour le Scudetto à un duel Inter-Juve ».
Elles ont l’air d’être les équipes les plus habituées à gagner cependant, favorites pour faire le trou alors que Milan reste derrière.
« Oui, je dirais que Milan, en ce moment, a besoin d’être laissé tranquille ».
Qu’est ce qui pourrait favoriser la Juve dans ce duel ?
« La structure du club et de l’équipe : la présence du socle dur des sénateurs et de bons jeunes qui ont déjà fait de grandes choses. Cela a une grande valeur : quand tu décides de reconstruire, la création d’un mélange entre les jeunes et les experts est fondamentale. A la Juve, il y a de la continuité ».
L’Inter a pour elle la faim de victoires après une période de transition.
« L’équipe est devenue compacte de manière surprenante. Mancini a créé un groupe solide : gagner autant de matchs 1-0 n’est pas anodin, c’est une donnée importante. Il me semble que l’Inter est un groupe qui s’amuse mais qui est en même temps impliqué et uni ».
Quel est ton meilleur souvenir des duels avec la Juve ?
« Je pense que pour les tifosi c’est le coup franc du 2-1 à San Siro dans les dernières minutes (12 février 2006 ndlr) ».
Un but magnifique qui creusa un écart abyssal pour la Juve au classement.
« Je pense qu’il est resté dans les mémoires pour le poids qu’il a eu dans ce championnat et surtout pour la manière avec laquelle la victoire est arrivée : à la fin du match dans le stade des rivaux de toujours. Mais il y a eu tellement de matchs dans ces années. Au niveau personnel, j’aime me remémorer les duels avec Ronaldo : pour moi, au delà de l’importance du résultat, c’était émouvant et stimulant. C’était un duel dans le duel, un chapitre à part dans chaque match. Je suis très attaché à ces moments, me mesurer à un tel champion me donnait une motivation particulière ».
Le football italien est loin de ces belles années, mais les bonnes performances européennes redonnent de l’espoir.
« La concurrence entre les équipes est forte et il faut être fier de cela. Désormais, la Serie A est un championnat différent par rapport à il y a quelques saisons : le meilleur et le deuxième meilleur joueur du monde ne jouent pas et ne joueront probablement jamais chez nous et peut-être même que le troisième et le quatrième ne viendront même pas. Mais nous avons encore un championnat disputé et plaisant ».
Remonter après avoir été à l’arrêt pendant un moment ne sera pas simple.
« Le problème, ce n’est pas tant que nous étions à l’arrêt mais plutôt que les autres ont progressé. D’un autre côté, rester au sommet est difficile : les poursuivants ont une plus grande envie d’étudier et de progresser. C’est ce qui est arrivé à nos concurrents en Europe au cours des dernières saisons et au delà de l’écart au niveau des budgets des clubs, qui sont inégalables et ont leur importance, il faudra travailler dur pour revenir au niveau ».
Ta Juve a donné une belle image en atteignant la finale de la Ligue des Champions de manière inattendue. Qui en est le symbole ?
« Je crois que la Juve le cherche encore, au moins pour le futur. Pour ce qui est du présent, il est inévitable de nommer la vieille garde, fondamentale notamment pour la personnalité : Buffon, Chiellini, Marchisio et puis Bonucci et Barzagli. Pour le moment, ce sont encore eux qui transcendent l’équipe ».
Etait-il normal de donner le 10 à Pogba ? On dirait que le maillot était lourd à porter, en particulier dans les difficultés du début de saison.
« Je ne sais pas, je sais que Paul est un joueur doté d’un grand talent. Si nous pensons au dix en tant qu’homme qui doit surprendre avec ses gestes techniques pendant le match, Paul est parfait parce qu’il sait comment le faire, il peut réussir et l’a déjà fait de nombreuses fois. Il a dans ses cordes les gestes qu’un protagoniste doit avoir. Après, dans les grands clubs, le dix est beaucoup plus qu’une expression technique, c’est quelque chose d’encore plus compliqué et structuré. Mais Pogba peut y arriver. Il faut seulement lui laisser le temps pour essayer ».