Paulo Dybala s’est confié au quotidien italien la Repubblica mercredi, quelques heures avant de passer son premier réveillon de Noël en tant que bianconero. Dans cette interview, il revient sur son idole Lionel Messi, son arrivée en Europe et ses débuts à la Juventus avec quelques anecdotes intéressantes.
Est ce vrai que tu as reçu tes premiers coups de Gattuso ?
» Il m’a entraîné pendant seulement quelques mois mais oui, il m’a appris à les prendre. A l’entraînement, il me mettait trequartista et lui jouait au milieu. A chaque fois que je l’éliminais, il me mettait par terre. Comme ça, j’ai appris à gérer le contact, à me défendre avec le corps, à anticiper les interventions. Puis Iachini est arrivé et il me voyait en pointe, j’ai vraiment dû apprendre à résister aux défenseurs « .
La morale c’est que le talent nécessite les muscles ?
» Si tu n’es pas entraîné, tu n’y arriveras pas. Prenez Cuadrado : il a l’air léger mais il absorbe les coups, tu ne peux pas le faire tomber « .
La seule ‘puce’ à survivre, c’est Messi ?
« Je l’étudierai. Le connaître est le seul rêve que je n’ai pas réalisé parce que quand j’ai été convoqué par l’Argentine, il n’était pas là. Je ne lui ai jamais parlé, je n’ai jamais joué contre lui mais je le suis dans tout ce qu’il fait, je crois que je peux apprendre énormément de lui, même au niveau humain. Pour nous, les jeunes argentins, c’est LA référence « .
Certains disent qu’après Messi, il y aura Dybala. Ca se passera comme ça demain ?
» Demain, il y aura Messi. Profitons-en, profitons d’Aguero, Di Maria : m’entraîner avec eux est une chance et une émotion « .
Tu ne penses jamais au jour où tu joueras avec Messi ?
» Très souvent. Je crois que je lui donnerai tout le temps le ballon, même si il aura cinq adversaires autour de lui « .
Arriveras-tu à le considérer comme un collègue et non comme une idole ?
» Jamais « .
Tu n’aurais pas préféré que la Juve tombe sur le Barça et non le Bayern afin de le rencontrer ?
» Je ne suis pas masochiste à ce point « .
Tu as du sang et un passeport italien et polonais : dans quelle mesure te sens tu argentin ?
» A 100%, même si quand tu me regardes, j’ai l’air d’un étranger avec mes yeux clairs. Quand j’ai dû choisir mon pays, je n’ai pas fait de calculs. Je sais qu’en Italie ou en Pologne, j’aurais eu moins de concurrence mais je voulais jouer avec l’Argentine et si je n’avais pas réussi, j’aurais dû me poser des questions, pas changer de drapeau. Je ne serais pas heureux dans une équipe nationale qui n’est pas la mienne, avec un hymne qui n’est pas le mien et des couleurs qui ne sont pas les miennes « .
Les oriundi ( joueurs de nationalité étrangère qui jouent pour l’Italie ndlr ) sont ils des traîtres ?
» Mon ami Franco Vazquez a une mère italienne. La seule chose qui est italienne pour moi, c’est un passeport que j’ai eu d’une arrière grand-mère dont je ne sais rien. Lui se sent italien, pas moi « .
Ton père est mort quand tu avais 15 ans.
» Il n’y avait pas un entraînement auquel il ne m’accompagnait pas. La maladie a été longue, j’ai compris sa mort avant même qu’elle arrive. Il me manque énormément mais son absence m’a donné de la force et de la maturité. Je suis très lié à ma famille, ma mère est ici à Turin avec moi, mais je savais que si je voulais faire carrière, je ne devais plus dormir à la maison. A 15 ans, j’ai donc décidé d’aller vivre au pensionnat du club « .
Tu t’attendais à arriver en Europe à seulement 18 ans ?
» Moi, je m’étais imaginé jouer deux ou trois ans à River ou Boca avant d’être prêt pour l’Europe. Mais un jour, Zamparini est arrivé avec 12 millions et j’ai été contraint à partir « .
Contraint ?
» Ils m’ont imploré d’accepter parce que cet argent pouvait sauver le club. Mais le président a disparu après m’avoir vendu et l’Instituto est de nouveau sans argent. Mes anciens coéquipiers ne sont pas payés et ils s’en sortent grâce aux petites aides des tifosi. Je suis très énervé parce que mon sacrifice n’a servi à rien. Et j’ai l’impression d’avoir été utilisé « .
Palerme était le bon club pour commencer ?
» Oui, parce qu’ils m’ont accueilli comme si j’étais ici depuis dix ans. Mais au début, c’était dur : je ne comprenais pas la langue ni ce qu’il se passait, je n’avais jamais changé d’entraîneur et j’avais de la peine à croire que, comme me disaient mes coéquipiers, Zamparini était normal. La relégation a fait mal, mais ensuite à Palerme, j’ai appris ce que j’aurais pu apprendre à River ou à Boca. Je voulais devenir un grand joueur, mon destin était d’y arriver en passant par la Sicile. Les premiers temps, je ne me sentais pas à la hauteur. Mais je savais que si je faisais les choses bien, tout serait rentré dans l’ordre « .
Tu te souviens du brouhaha provoqué par tes présences sur le banc à la Juve ?
» Mais je savais que je devais attendre, je n’ai jamais été pressé. Les pressions étaient logiques, vu le prix que j’ai été payé, mais je ne les ai jamais ressenties « .
Tu n’as jamais eu la crainte que la Juve était trop grande pour toi ?
» Non, sinon je serais resté à Palerme. D’ailleurs, on ne me demandait pas de marquer quinze buts dans les six premiers matchs. Et si Allegri ne me faisait pas jouer, ce n’est pas parce qu’il voulait perdre « .
Tu n’as jamais été énervé par le fait de ne pas être titulaire ?
» A Palerme, ça m’est arrivé. Ici non. Allegri a tout gagné l’année dernière , je n’ai pas le droit de me fâcher avec lui « .
Qu’est ce que tu as aujourd’hui que tu n’avais pas avant ?
» J’ai acquit l’envie de gagner, qui est quelque chose d’étrange, c’est difficile. Après la finale de Berlin, je suis rentré avec l’avion de l’équipe et une chose m’a beaucoup marquée : Marchisio est venu se présenter et il m’a dit ‘Prépare toi bien parce que l’année prochaine, nous devons tout gagner’. C’était incroyable. Ils venaient à peine de disputer une finale de Ligue des Champions et au lieu de penser aux vacances, ils pensaient déjà à la prochaine. C’est là que j’ai mesuré la distance entre Palerme et la Juve « .
Et techniquement, quelle distance y a-t-il ?
« Iachini m’alignait en pointe de l’attaque. Allegri me met plus en retrait. J’ai souvent le ballon entre les pieds. C’est le travail que faisait Vazquez à Palerme et que je partage ici avec Morata « .
Un rôle à la Messi ?
» Messi joue où il veut. Moi, j’ai de la liberté d’attaquer tant que ça ne m’empêche pas de défendre. Messi peut se permettre de ne pas le faire « .
Tu t’attendais à t’imposer aussi vite ?
» J’avais en tête de marquer quinze buts dans la saison mais vu que j’en suis déjà à dix, je vais devoir changer d’objectif. Je suis plus avancé que prévu « .
Y a-t-il quelqu’un qui t’aide à être aussi mature ? Un psychologue, un motivateur ?
» J’ai ma famille, elle me dit ce que les autres n’ont pas le courage de me dire, même si je suis très autocritique et sais ce qui ne va pas en moi. Mes frères, si ils me doivent me donner une gifle, ils me la donnent. Gustavo a 35 ans, Mariano 32. Ils disaient de lui qu’il était un bon joueur mais il n’a pas eu le courage ou la volonté que j’ai eu : tout abandonner et poursuivre un rêve « .