En exclusivité pour vous, lecteurs et lectrices de Stile Juve, Johann Crochet (@johanncrochet) a répondu à nos questions. Ex-rédacteur en chef chez Goal Football et ancien journaliste pour Eurosport, il a répondu favorablement à notre requête. Au programme donc : Représentativité, image et actualité de la Juventus.
Quand je vous dis “Juventus” qu’est ce qu’il vous vient à l’esprit ?
« Si je ne dois choisir qu’un mot à l’évocation de ce club, c’est “exigence”. Cela aurait pu être le mot “famille” ou le qualificatif “grand club” mais je pense que l’exigence représente parfaitement la Juve et cette rigueur fait la différence depuis des années avec les autres clubs italiens. La Juve a un temps d’avance et ne l’a jamais cédé, même lorsqu’elle a été contrainte d’évoluer en Serie B. La mentalité présente à tous les échelons fait de ce club un très grand d’Europe, un club respecté et craint à la fois. Avant de se plaindre sur divers thèmes, les concurrents de la Juve feraient bien d’intégrer et instaurer cet état d’esprit de tous les instants, qui vous fait garder la tête froide dans les moments chauds et permet une remise en question quotidienne avec un seul but : gagner. Encore. Toujours plus. En ne cédant jamais un centimètre sur l’exigence. »
Que représente la Juventus pour vous ?
« Un grand club. Une véritable institution. C’est à dire un club qui dégage quelque chose, avec des dirigeants intransigeants n’hésitant pas à faire des choix forts. Lâcher Zidane en 2001 paraissait une folie mais la Juve a construit une équipe encore plus forte. Sanctionner Bonucci en Ligue des champions après sa brouille avec Allegri. Tout ceci instaure respect et une certaine distance avec les joueurs même s’ils louent tous le côté familial du club. Cela montre que le club est plus fort que l’individualité, aussi bonne et importante soit-elle sur le plan sportif. Ce qui représente aussi fortement la Juventus, c’est son musée des trophées. L’Histoire vous éclate à la figure. La Juve est indissociable des titres qu’elle a remportés.«
Quelle équipe italienne supportez-vous (ou êtes-vous sympathisant) ? Pourquoi pas la Juve ?
« Je supporte la Roma. Pourquoi pas la Juve ? Se demande-t-on pourquoi on épouse une femme / un homme et pas une / un autre ? Je pense qu’on naît ou qu’on devient supporter d’un club par filiation ou par passion (coup de cœur). Je ne saurai pas dire pourquoi ce n’est pas la Juve, je suis simplement tombé amoureux de la Roma.«
S’il y avait un seul joueur (toutes époques) de la Juve que vous auriez voulu dans votre équipe..ce serait ?
« Il ne serait pas compliqué d’en trouver un pour chaque époque ! Si j’analyse froidement, je pense que Buffon aurait fait un bien énorme à la Roma, tant sur le plan sportif (les Giallorossi ont rarement eu un gardien de très haut niveau, et ce depuis des dizaines d’années) que sur le plan du caractère et de l’exigence dont j’ai parlé plus haut. Après, si je suis un peu plus romantique et que je pense au football que j’aime observer, disons que cela ne m’aurait pas déplu que Miralem Pjanic reste toute sa carrière à Rome. »
Que représente la Juventus pour le football italien ? européen ?
« Pour le football italien, c’est évidemment une référence pour ses concurrents, sur la manière de structurer un club (en choisissant les bonnes personnes, en pariant sur la stabilité), sur la façon de se moderniser (un stade de propriété), sur le développement économique et sportif ainsi que sur la rigueur qui est indispensable pour être un grand club. Au niveau européen, il est difficile de savoir ce que pense un Espagnol, un Suédois ou un Grec de la Juventus – tous ne pensent sans doute pas la même chose-, mais pour bien connaître les pays nordiques, les deux clubs les plus cités sont le Milan et la Juve. Le premier pour avoir rayonné en Europe et pour les nombreux joueurs scandinaves accueillis, le second pour sa domination dans son pays et son institution. »
« Ça c’est pour le côté positif. Pour l’autre versant, il est un club associé à certains scandales et génère beaucoup de haine et de jalousie. »
Que pensez-vous des changements opérés par le club visant à faire de la Juventus une marque mondiale ? (logo, futur maillot sans rayures ?, multiplication des maillots “édition limitée”, maillot basket…)
« Tant que la modernisation respecte un minimum les traditions, je ne suis pas contre car je me suis fait une raison sur le côté romantique du football qui disparaît de plus en plus. Je comprends la logique des dirigeants de la Juve. Tout ce qui est sur les éditions limitées etc, je n’ai pas spécialement d’avis car je ne suis pas la cible et ce n’est pas un symbole. Le vrai maillot, porté lors des matches, lui est un symbole. Un maillot sans rayures serait éminemment étrange et perturbant. Le logo ? Je ne suis pas contre la modernisation des logos tant que c’est dans un cadre précis et que cela ne dénature pas l’histoire du club. Le problème avec ce nouveau logo, c’est qu’il pourrait être celui d’une marque de jean, de lunettes branchées ou d’un pâtissier et que cela n’a pas grand chose à voir avec le club ou le football.«
Qu’est ce que vous pensez de la Juventus actuelle à ce moment-là de la saison ? Si vous deviez dégager un « top » et un « flop » ?
« Un flop en ce début de saison ? Je pense que si j’en donnais un, je dépasserais le cadre de l’exigence. La Juve survole la Serie A, gère son groupe en Ligue des champions. Elle est puissante et déterminée. Pratiquement inarrêtable. On pourrait citer Ronaldo, évidemment, mais je préfère mettre l’accent sur d’autres joueurs comme Rodrigo Bentancur qui affiche une belle progression, sur Mario Mandzukic, joueur parfaitement estampillé Juve ou sur Joao Cancelo, la recrue coup-double : elle a renforcé la Juve et a affaibli l’Inter qui l’a perdu.«
La Juventus peut-elle remporter la CL ?
« Elle peut et elle le doit. C’est une grande responsabilité. L’arrivée de Ronaldo a fait monter l’impatience et le degré d’exigence. Il n’est pas venu pour le championnat, la Juve reste sur 7 titres consécutifs sans lui. Elle a aussi fait deux finales de C1 sans lui. Alors tout autre résultat qu’une présence en finale serait un échec. La pression est énorme quand on fait venir Ronaldo dans son club, à cet instant de sa carrière.«
La Juventus peut-elle faire la passe de 10 (scudetti) ?
« La Juve détient-elle la réponse à cette question ? Je pense plutôt que ce sont les concurrents des Bianconeri. A eux de se hisser au niveau de la Juve. Aux niveaux même. Sur les plans sportifs et économiques. L’un va avec l’autre. Aujourd’hui, ou plutôt dans un passé très récent, certains se sont contentés d’être le rival principal de la Juve. La Roma a battu tous ses records avec Rudi Garcia mais a terminé deuxième à 17 points de la Juve (85 points). Idem avec Naples lors de la saison passée et qui échoue à 4 unités. Pendant ce temps, les clubs milanais sont entrés en récession et sortent la tête de l’eau.«
« L’Inter semble être en capacité de devenir le nouveau rival numéro 1 après la Roma et Naples. Mais se donneront-ils les moyens de viser les étoiles, quand on sait qu’aujourd’hui, les dirigeants visent plus un résultat économique que sportif ? Après tout, une deuxième place est formidable économiquement, elle amène la Ligue des champions, des gens au stade, du merchandising, des bons joueurs, des sponsors… Le dernier palier étant le plus dur à franchir, certains dirigeants préfèrent abandonner avant même d’essayer. Donc oui, la Juve peut tout à fait s’appuyer sur son temps d’avance pour atteindre les 10 scudetti consécutifs. »
Qui est l’anti-Juve en Italie cette année ?
« Sur le court terme, cette saison, Naples semble bien placé et au-dessus de l’Inter. Il faudra néanmoins voir le degré d’implication des deux équipes en Europa League désormais. Je doute que les deux clubs jouent avec autant d’intensité ces rencontres le jeudi soir que ce qu’ils ont pu faire en Ligue des champions… Sur le moyen terme, l’Inter me semble avoir plus de possibilités organisationnelles et une marge de progression plus importante que Naples pour être le vrai rival.«