En exclusivité pour vous, lecteurs et lectrices de Stile Juve, Philippe Genin (@PhilippeGenin) a répondu à nos questions. Commentateur et journaliste il est la « voix de la Serie A » en France depuis l’époque Canal Plus, et aujourd’hui, BeinSport. Avec extrême sympathie et disponibilité, Pippo a répondu favorablement à notre requête. Au programme : Représentativité, image et actualité de la Juventus.
Quand je vous dis « Juventus » qu’est ce qu’il vous vient à l’esprit ?
« Une institution, un grand club, une équipe qui joue la gagne en permanence, une histoire fabuleuse avec aussi de grands joueurs qui ont traversé les temps. Beaucoup de français aussi à commencer par Michel Platini. Pour moi, c’était mon vrai démarrage. Et puis aujourd’hui c’est le club référent en Italie, depuis une dizaine d’années, et qui commence à faire peur sur la scène européenne. Tout le monde en fait d’ailleurs un des grands favoris pour la Champions League cette saison.«
Que représente la Juventus pour vous ?
« Pour moi la Juventus est un club magnifique, un club ultra professionnel et qui accueille toujours parfaitement. Par contre, pour rester en contact fort avec ce club il ne faut pas le trahir…mais de toute façon pour moi ça marche avec tous les autres clubs aussi. Il faut être aussi respectueux. Une fois que l’on commence à avoir quelques entrées, c’est un petit peu comme si l’on faisait partie de la maison…donc c’est une totale confiance et on doit donc respecter ce club, ce qui est normal.«
Quelle équipe italienne supportez-vous (ou êtes un sympathisant) ?
« Tout le monde sait que c’est l’AC Milan et tout le monde pense que c’est la Juve…parce que déjà je suis très bon donc je ne fais pas passer mes émotions sur mon club de cœur. Pour moi la Juve…c’est un club que j’aime beaucoup…beaucoup, parce que l’on ne peut pas ne pas être amoureux de ce club, de ce qu’il se passe, de ce que l’on vit, de tout cela, de ce public…oui…au final, moi je peux dire que je suis aussi un tifoso de la Juve.«
S’il n’y avait qu’un seul joueur (toutes époques) de la Juve que vous auriez voulu dans votre équipe ce serait ?
« ahah…houlala…(rires), en 26 ans de commentaires c’est dur, j’en ai vu défiler…si je pense aujourd’hui, celui que j’aurais voulu peut être le plus dans mon équipe c’est Pirlo. Par rapport à sa personnalité, en dehors du garçon qui est un joueur extraordinaire, mais c’est aussi par rapport à la mentalité, sa façon de gérer les autres, d’être complètement impliqué dans le club. Pourtant, il a porté le maillot du Milan aussi, il a fait d’autres clubs avant, mais pour moi, on a l’impression qu’il fait partie définitivement de la maison Juve. »
Que représente la Juventus pour le football italien ? Européen ?
« La gagne pour certains, la haine pour d’autres. On le voit bien. C’est le club à « abattre » et c’est forcé étant donné qu’ils sont depuis très longtemps numéro 1. Après pour certains clubs, je pense mais on lit des déclarations ci et là dans ce sens, c’est un exemple aussi. Un exemple dans cette façon de préparer les mercato, dans cette façon d’être sur tous les horizons avec pas mal de jeunes, à travailler, à anticiper…ça commence d’ailleurs à être pompé un petit peu…et puis du coup Marotta va pouvoir apporter ce « savoir-faire » du côté de l’Inter et c’est d’ailleurs de « bonne guerre ». Au final, cette Juve-là, elle resprésente ce que tout le monde rêve de faire, tout simplement. Gagner et être là au sommet en permanence. »
« Au niveau européen aussi, honnêtement, ça commence à « couiner » un petit peu à droite à gauche parce que oui, on voit que la Juve joue le titre en Champions et ils ne l’ont d’ailleurs pas caché pour la première fois cette année. C’est L’objectif de la saison, en dehors du fait de conserver le scudetto. C’est un objectif majeur d’aller chercher cette Ligue des Champions. Quand on fait 2 finales en 4 ans et bien oui, moi ça me fait penser à la poussée des clubs espagnols à un certain moment et après ils se sont installés en haut du panier. Après, on sait pertinemment que la roue tourne en Europe. Il y a eu la période de l’Angleterre, ça a été un petit peu l’Allemagne, ça a été beaucoup l’Italie, ça a été beaucoup l’Espagne, et là, et bien les choses sont en train de s’inverser et c’est normal. C’est la vie et les générations changent aussi.«
Que pensez-vous des changements opérés par le club visant à faire de la Juventus une marque mondiale ? (nouveau logo, futur maillot domicile peut être sans rayure, maillot basket…)
« Alors le problème, c’est que l’on a nos habitudes…tous. L’œil a ses habitudes, le cerveau à ses habitudes, mais la vie elle avance. Aujourd’hui, les clubs sont de véritables sociétés. Oui, il y a du marketing, oui, il y a du merchandising mais si on veut grandir, si on veut avancer, si on veut prospérer, si on veut être au plus haut de l’affiche et si on veut donner du plaisir aux tifosi, on est obligé aussi de passer par-là. Alors ouais, il y a des choses qui peuvent paraître bizarre, il y a des choses qui choquent avec ce changement de logo mais franchement, au final, tout le monde s’y est habitué à ce changement. Et puis il n’a pas été amené comme ça du jour au lendemain. Cela a commencé au stade et quand on va au centre médical, c’était le premier lieu où il y avait les 2 « J » comme ça. Il ne faut pas l’oublier«
« Au final, c’est un virage obligatoire, au même titre qu’aujourd’hui il faut son stade, il faut un lieu de vie dans ce stade, il faut ses boutiques, il faut son camp d’entraînement. Ce sont les fondations. Aujourd’hui, oui, la Juve est déjà une marque mondiale, mais ça peut devenir une marque mondiale puissance 1000 par le travail que fait Agnelli. Quand on sait qu’Andrea Agnelli arrive au camp d’entraînement à son bureau tous les jours entre 7h et 8h ! Il est là, il vit pour ça, il construit et franchement, tout ce qui a été fait jusqu’à présent c’est exceptionnel.«
Qu’est ce que vous pensez de la Juventus actuelle ? Avez-vous un joueur qui sort un peu du lot ? Un joueur « déception » ?
« Celui qui sort du lot, franchement, et bien c’est Ronaldo, ça ne va pas être une surprise. Il vient d’arriver et c’est comme s’il avait toujours joué pour le club. Cela prouve que c’est un immense joueur. Il tire tout le monde vers le haut et même quand il ne marque pas il est là dans le jeu. Pour moi d’ailleurs, le match qui m’a le plus marqué, c’est le match face au Napoli. Il répond présent dans ces grands rendez-vous et ça, c’est la marque de fabrique d’un grand, un très très grand.«
« Après, le joueur qui me déçoit…franchement, j’ai un peu de mal à un trouver un…(réfléchit). Si, je n’ai pas aimé ce qu’a fait Douglas Costa et j’ai été très déçu. Son attitude et son geste face à Sassulo m’avaient vraiment déçu. Franchement, j’étais très étonné de voir ce garçon faire ça. Depuis, je le trouve un peu « en-dedans » par rapport à ce qu’il nous avait montré la saison passée, notamment quand on sait qu’il est capable de rentrer et d’être décisif par un but ou une passe. Du coup je dirais Douglas Costa«
« Après pour le reste de l’équipe, je suis super content pour Blaise Matuidi…Bentancur, franchement lui, c’est un sacré joueur. Je me suis dit « lui, il a un vrai potentiel » et je l’ai suivi quand j’ai commenté la coupe du monde. Il est en train de grandir. Dybala, c’est Dybala. Mandzu’ c’est un joueur merveilleux qui ne lâchera jamais, ni offensivement, ni défensivement. Le retour de Bonucci m’a aussi fait énormément plaisir même si on connait ce qu’il s’est passé avec le fameux départ/retour. Sauf que là, il a mis tout le monde d’accord et la Juve manquait peut être de cette profondeur dans le jeu et avec lui elle l’a retrouvé. »
La Juventus peut-elle remporter la Champions League ?
« Moi je dis oui. Après, ça reste une compétition difficile et on n’est pas Madame Irma avec la boule de cristal pour être sûr des choses. Mais je dis oui. A aujourd’hui, cette Juventus peut la gagner. J’en ai d’ailleurs discuté avec Blaise (Matuidi) il y a peu. Il m’a demandé : « Tu nous trouves plus forts que la saison dernière ? », je lui ai dit : « Oui ». Après, c’est mon ressenti, mais quand on commente avec Greg Paisley, on le voit. Après les matchs, on discute de « trucs » ensemble et on voit bien qu’un palier a été franchi.«
« Le fait d’avoir franchi ce palier n’est pas forcément uniquement lié à l’arrivée de Ronaldo. C’est un peu de tout. Quand vous faîtes 2 finales en 4 ans et que vous échouez de peu…contre Barcelone défaite 3-1, le score est large mais ils ont fait un gros match. Contre le Real, malheureusement, ils n’ont joué qu’une mi-temps. Tous ceux qui ont déjà goutté à une finale ont envie d’y retourner. Tous ceux qui n’y sont jamais arrivé en ont envie aussi. Après, c’est sûr que quand vous recrutez Cristiano Ronaldo…lui en a gagné 5. Quand on a un garçon comme ça dans son équipe c’est plus simple. Lui, il est là pour gagner, il n’est pas là pour faire de la figuration. »
La Juventus peut-elle faire la passe de 10 scudetti ?
« Aujourd’hui oui, même si c’est en train de se resserrer derrière. L’Inter est en train de se reconstruire et c’est très bien pour le championnat. Le Napoli reste le Napoli et ils surfent sur ce qu’ils font depuis les dernières saisons avec en coach Ancelotti qui est fantastique. Il a su garder l’esprit et le système de jeu propre au Napoli tout en y ajoutant sa patte personnelle. Cela se voit d’ailleurs sur ce qu’ils sont en train de mettre en place. Après il y a Milan. On va voir comment ils vont revenir. Au final c’est bien car de nombreux clubs sont en train de redevenir ce qu’ils étaient grâce à la Juve. Pour l’instant, elle a quand même de l’avance. Mais attention ; on l’a vu la saison dernière où sur la fin ça a été tendu. Le problème de Naples c’est qu’ils n’auraient pas dû fêter le titre pendant 8 jours. C’était la plus grosse erreur que de penser que c’était plié et on a vu le résultat. »
« En face, la Juventus c’est une équipe qui a des certitudes. Je n’aime pas ce mot « certitude » mais là, ce sont des certitudes positives. C’est-à-dire que quand ils rentrent sur le terrain, c’est pour gagner. Quand ils débutent une saison c’est pour gagner un titre. Cette année, ils veulent les 3 titres. C’est ça qui est important et je pense que faire la passe de 10 c’est un beau challenge mais c’est largement envisageable. »
Qui est l’anti-Juve en Italie cette année ?
« Réellement il y en a deux. Naples et l’Inter. On en saura un peu plus dans les semaines à venir car il va y avoir un Inter-Napoli au lendemain de Noël. Cela permettra déjà d’y voir un peu plus clair. Après, on sait tous que c’est le printemps qui décide de beaucoup de choses. Pour moi, ce sont les deux équipes qui peuvent embêter la formation d’Allegri mais le chemin est encore long. »