On continue la série « Image Juventus ». En exclusivité pour vous, lecteurs et lectrices de Stile Juve, c’est cette fois Valentin Pauluzzi (@vpauluzzi) qui a répondu à nos questions. Papa du site @Calciomio, correspondant pour le journal l’Equipe et France Football et chroniqueur pour Eurosport et Europe 1, Valentin a accepté notre demande d’interview. Au programme : Représentativité, image et actualité de la Juventus.
Quand je vous dis « Juventus » qu’est ce qu’il vous vient à l’esprit ?
« Rigueur. Un club qui, d’ailleurs, a toujours fait preuve de cette rigueur sauf à de très rares occasions. C’est un modèle du genre en la matière. Les dirigeants dirigent, les entraîneurs entraînent et les joueurs jouent. Il y a bien cette séparation et le respect des rôles. Au final, ça peut paraître une « lapalissade », mais il n’y a rien qui est au-dessus du club. C’est vraiment quelque chose qui est respecté. On retrouvait un peu cela aussi à l’époque de « mon » Milan, celui d’Ancelotti. La Juventus, elle, a toujours su garder ce cap. C’est vraiment cela qu’il me vient à l’esprit que j’apprécie d’ailleurs. »
Que représente la Juventus pour vous ?
« En tant que supporter du Milan j’ai connu l’époque des grands duels Juve-Milan des années 2000 et il n’y a pas de grandes victoires sans un grand adversaire. C’est vrai qu’il y avait ce respect mutuel entre dirigeants et joueurs…du coup c’était un peu mon rival « préféré ». Et puis perdre contre la Juventus ce n’était pas une honte. Maintenant ça a changé, le Milan ne se bat plus pour le titre et c’est devenu déséquilibré mais je respecte la trajectoire du club. Au final, je respecte toutes les équipes historiques italiennes mais c’est vrai que j’ai une petite préférence pour la Juve. Elle a eu cette capacité à se reconstruire après Calciopoli en 2006. Aujourd’hui, quand tu regardes la Juventus, l’Inter ou le Milan, tu te demandes qui a été relégué en 2006.«
« Quand tu regardes les résultats sportifs et économiques, la Juve c’est LE modèle à suivre pour le football italien. C’est la locomotive et c’est le club italien encore à ce jour à avoir su prendre un virage à 100% dans le football moderne tout en gardant leur identité et avoir su mettre leur orgueil de côté. Au final, quand tu vois Zanetti (Inter) qui dit « Oui mais l’Inter c’est l’Inter, la Juventus c’est la Juventus » et bien pour moi c’est une erreur. Il faut savoir reconnaître cette capacité de la Juve qui est revenue de très bas. Il y a d’autres clubs, s’ils avaient été relégués en 2006, je ne dis pas qu’ils y seraient encore mais en tout cas c’est certain qu’ils ne seraient pas revenus aussi vite sur le devant de la scène comme l’a fait la Juventus. »
Quelle équipe italienne supportez-vous (ou êtes un sympathisant) ?
« Comme je l’ai dit le Milan. En fait mon premier souvenir footballistique c’est la finale OM-Milan de 1993. Après, ce serait un mensonge de dire qu’à cette époque je supportais le Milan car j’avais 7 ans et toute la France était derrière l’OM…mais ça a commencé à partir de là. Ensuite, c’est revenu dans les années 2000 où là j’étais vraiment un supporter invétéré de l’AC Milan. Désormais, je suis devenu plus un sympathisant. Je ne dis pas ça pour faire le journaliste qui est obligé de dire « ouais je suis neutre » mais à partir du moment où une défaite de ton club ne te fait plus rien, ne te fait ni chaud, ni froid, c’est que tu n’es plus vraiment supporter. Après je reste quand même content quand ils (Milan) ont des bons résultats hein ! Comme on dit le « back-ground » reste rossonero mais voilà…au final, je dirai qu’avec le Milan j’ai été un supporter comblé. J’ai vu le club tout gagner et avec une génération de joueurs que j’ai adoré.«
S’il n’y avait qu’un seul joueur (toutes époques) de la Juve que vous auriez voulu dans votre équipe ce serait ?
« Alors, alors, alors…(silence). Je ne veux pas paraître trop escompté…bon évidemment j’ai un faible pour Buffon mais après Buffon c’est la Juve quoi et je n’ai jamais envié les joueurs-symboles des clubs adverses. Après…laisse moi réfléchir…(silence)…et bien euh…tous les joueurs de l’ombre quoi…les Tacchinardi, les Birindelli…j’ai toujours eu un grand respect pour ce « profil » de joueur plus que le « joueur » en lui-même. Les bosseurs, les mecs qu’il faut, ce dont on ne parle pas, ceux qui bossent sans rechigner et qui déçoivent rarement quand ils sont titulaires. La Juventus a toujours eu cette culture de joueurs « soldats » et moi justement j’aime beaucoup ce profil de joueurs.«
Que représente la Juventus pour le football italien ? Européen ?
« Au niveau du football italien, c’est le club qui domine le championnat depuis un moment et qui le « vampirise ». Après, c’est à juste titre parce que la Juve n’a jamais pris la Serie A de haut contrairement au Milan d’ailleurs. La Juventus reste sur 7 titres d’affilée et elle pourrait se dire « Bon c’est bon on arrête, on se focalise uniquement sur la Champions League » mais non. L’objectif principal, ça reste le scudetto. C’est un club qui a toujours su, de part ses objectifs, valoriser le championnat italien et ne pas le prendre à la légère. Du coup, cette mentalité paye forcément sur la scène européenne mais puise aussi dans les forces. Elle arrive crevée ou elle n’a pas récupéré à 100%. Comme on dit en italien, on ne peut pas « avoir la femme bourrée et la bouteille pleine » (rires). Après, la Juventus reste évidemment une référence sur la scène européenne malgré toutes ces finales perdues. Il faut déjà y arriver en finale donc je ne diminuerai pas son statut. Oui, ce n’est pas le Real ou le Milan, mais c’est juste en-dessous.«
Que pensez-vous des changements opérés par le club visant à faire de la Juventus une marque mondiale ? (nouveau logo, futur maillot domicile peut être sans rayure, maillot basket…)
« Est-ce que c’est pire que d’avoir un dirigeant chinois ou américain ? Quand ton président et tes propriétaires sont liés au club depuis près d’un siècle ou presque, je pense que la Juventus n’a aucune leçon à recevoir au niveau des traditions, de l’intelligence et de ce mix entre modernité et histoire. Au début le nouveau logo ça a « pesté » pendant 1 ou 2 mois et puis maintenant ? Cela intéresse qui ? C’est passé et selon moi aujourd’hui il n’y a plus un supporter de la Juve qui tique en voyant le logo. Du coup, on peut dire que c’est le seul club italien qui est en train de passer le virage du foot moderne même s’ils sont encore très loin, en terme de chiffre d’affaire, des « clubs de tête » qui font partie de ce que l’on appelle la « money league ». Si la direction n’avait pas proposé cette politique, la Juve serait encore à la traîne donc moi ça ne me dérange pas, même si « Dieu sait » que parfois je suis un peu « vieux jeu » dans ma façon de penser sur le foot. »
Qu’est ce que vous pensez de la Juventus actuelle ? Avez-vous un joueur qui sort un peu du lot ? Un joueur « déception » ?
« Pour juger réellement cette Juve il va falloir attendre les phases d’élimination directe en Champions League. En Serie A c’est difficile de se faire une opinion même si on voit bien qu’en face il y a de l’adversité que les autres clubs ne se laissent pas faire comme certains le laissent entendre. Après la Juventus a toujours cette capacité à éviter les pièges. Après le vrai baromètre, le vrai thermomètre, ce sera ce que fait la Juventus en Champions League même si cette compétition est très aléatoire. C’est difficile de ne juger que sur cette compétition parce qu’aussi bien elle se fera sortir par un but à l’extérieur ou sur penaltys…«
« En joueur qui sort du lot je dirais Chiellini. Il continue d’être le leader, il a récupéré le brassard de capitaine et j’ai l’impression que ça l’a encore plus « boosté ». A 34 ans, on a l’impression qu’il passe encore un nouveau palier. Il est en train de s’imposer comme le meilleur « pur » défenseur du monde.«
« En déception quoiqu’en on dise Dybala. On essaie de détourner le problème en prenant en exemple le fait qu’il a un rôle différent par rapport aux autres années. Je trouve qu’il est trop peu décisif. C’est un peu « bateau » ce que je vais dire mais ce n’est pas parce que l’on est « 10 » que l’on peut se permettre de ne pas être décisif et mettre des buts. Et puis on parle d’un potentiel futur ballon d’or, en tout cas il nous l’a promis. Est-ce qu’au final il n’a pas mis la barrière un peu trop haute pour lui ? « .
La Juventus peut-elle remporter la Champions League ?
« Oui. Cette année il n’y a pas « d’ogres ». Il n’y a plus le Real de Zidane qui avait une dynamique incroyable en Champions League. City n’a jamais été un épouvantail en Champions. Le Bayern a des difficultés. Il faut que la Juventus profite de cette petite période de « temps mort » pour pourquoi pas ré-ouvrir un nouveau cycle.«
La Juventus peut-elle faire la passe de 10 scudetti ?
« La Juventus, parce qu’il y en a qui ne comprenne toujours pas, elle ne se lassera jamais de gagner en Italie. 10, 12, 15 scudetti…elle ne digérera jamais 2006. On lui a soutiré 2 titres dans des conditions sur lesquelles je ne reviendrai pas et ce que les autres n’ont pas compris quand ils se réjouissaient de cette condamnation, c’est qu’elle allait revenir avec une hargne incroyable et une envie de « rétamer » tout le monde. Au final, c’est ce qu’elle fait depuis 7-8 ans et je dois dire que ça ne me déplaît pas. C’est le « Karma », le retour du bâton. »
Qui est l’anti-Juve en Italie cette année ?
« Je dois faire une sorte de « mea culpa », et pourtant, « Dieu sait » que c’est MA référence en matière d’entraîneur et pas que…mais Ancelotti je le voyais un peu sur le déclin. Quand il est arrivé au Napoli je ne pensais pas à un échec mais voilà…le Napoli restait sur les 91 points et une façon de jouer « à la Sarri », lui qui arrivait à « surperformer » certains de ses joueurs. Du coup, j’ai pensé que l’arrivée d’Ancelotti aurait pu « pénaliser » certains joueurs clés. Et bien non, il a réussi à « dé-Sarriser » l’équipe. Après à la base j’avais misé sur l’Inter mais au final ça risque d’être encore le Napoli même si j’ai bien peur que le suspense soit déjà mort pour le scudetto. »