C’est désormais officiel : après plusieurs semaines d’attente et autant de théories farfelues imaginées par journalistes et tifosi, le nom du nouvel entraîneur de la Juventus a été révélé. Bienvenue à Turin Maurizio Sarri. 

Maurizio Sarri fait face au plus grand défi de sa carrière. Il rejoint la Juventus et a maintenant comme objectif de porter cette équipe à la victoire du Scudetto et de la Ligue des Champions, deux titres qui manquent aujourd’hui à son palmarès personnel. Un palmarès qu’il a finalement pu enrichir de justesse, après son passage à Chelsea où il a remporté l’Europa League.

Une carrière atypique

Ce passage à la Juventus apparaît comme la suite logique d’une carrière néanmoins atypique. Footballeur du dimanche et défenseur rude – du genre à effrayer les attaquants qu’il devait marquer – c’est dans le monde de la banque et la finance que se développe sa vie professionnelle. Le poste d’entraîneur devient peu à peu un hobby, dans les bas fonds des dernières divisions italiennes. Très investi, il est affamé de culture tactique et essaie constamment des nouveautés avec ses équipes. En 2001, alors qu’il est âgé de 42 ans, il décide de tout plaquer pour se dédier au football : « J’ai compris que je ne pourrais passer un cap que si entraîner devenait mon activité principale ».

Eccelenza, Promozione, Serie D puis C2. Sarri doit faire ses preuves pour lentement gravir les échelons du milieu du football. Partout où il passe, il laisse l’image d’un homme complexe, mais passionné et capable de travailler des heures entières sur ses schémas de jeu. Il atteint ainsi la Serie B du côté de Pescara en 2005. Mais il faudra attendre 2012 et son passage remarqué à Empoli pour le voir passer un nouveau cap : celui de la Serie A. Deuxième de Série B, Sarri ne fait pas que maintenir les Toscans dans l’élite, il enchante l’Italie par le jeu qu’il pratique. Sous ses ordres, des joueurs comme Daniele Rugani, Riccardo Saponara ou encore Mirko Valdifiori se révèlent à des niveaux qu’ils n’atteindront que rarement dans la suite de leurs carrières respectives. Ses méthodes aussi intriguent : il est notamment un des premiers entraîneurs en Europe à utiliser des drones durant ses entraînements pour revoir et analyser le positionnement de ses joueurs lors des différentes phases de jeu.

La suite, on la connaît : le passage au Napoli, une équipe qui enchante l’Europe, rivalise avec la Juve mais ne gagne pas malgré des joueurs sublimés comme Higuain, Mertens, Jorginho, Koulibaly… C’est le sarrismo, une mentalité plus qu’une simple façon de jouer. Sarri a le look parfait du révolutionnaire menant le petit peuple jusqu’à la victoire finale face à l’élite. Une image surtout cultivée par les tifosi du Napoli qui le surnomment ‘Il Commandante‘, mais parfois entretenue par l’entraîneur comme quand il désigne la place de la Juventus comme le « Palazzo« , les palais du pouvoir autrement dit. Une expérience qui finit de manière brutale, un titre de champion qui lui échappe de justesse après une victoire au Juventus Stadium puis une éviction sèche au profit d’un nom plus attractif : Ancelotti.

Fort d’une petite réputation européenne, il rebondit à Chelsea. Sur le papier, les résultats sont très bons : enfin un titre majeur remporté avec l’Europa League (sûrement déterminant pour son arrivée à la Juventus) et le club ramené en Ligue des Champions avec une remarquable troisième place. Mais des résultats qui masquent des prestations parfois mitigées et une incapacité à convaincre ses leaders techniques comme Hazard ou Kanté. Le coach paraît même parfois dépassé, comme quand Manchester City humilie Chelsea 6-0. Le public n’est pas franchement séduit, la direction non plus. Maurizio Sarri a le mal du pays et la Juventus est l’opportunité idéale pour revenir auprès de sa famille.

Le choix du jeu sans le style

En passant de Massimiliano Allegri à Maurizio Sarri, la Juventus a clairement fait le choix du jeu. La Signora a maintenant l’ambition de devenir belle, tout en continuant à gagner. Fidèle à leur promesse de plus de divertissement, Fabio Paratici et Pavel Nedved ont salué un pragmatique pour accueillir un esthète faisant de la performance collective une de ses priorités. Mais d’un autre côté, ils font aussi un pas en retrait en termes de style. Clope au bec et sans costumes, Maurizio Sarri ne fait pas preuve d’autant d’esthétisme en dehors du terrain que sur le terrain. Son doigt d’honneur à l’arrivée de l’Allianz Stadium en 2018, ses plaintes incessantes sur le chiffre d’affaire de la Juventus, ses sous-entendus sur sa domination par le pouvoir sont autant d’éléments du passé qui vont revenir sur la table lors de sa présentation. Tout comme ses écarts de conduite que ce soit au Napoli lorsqu’il traite Roberto Mancini de ‘pédé’ en Coppa Italia ou à Chelsea quand il quitte le terrain en pleine finale de coupe nationale devant le refus de son gardien de sortir et quand il pète les plombs à l’entraînement à la veille de l’Europa League. Avec Allegri, la communication était lisse et le style était en adéquation avec l’image voulu par le club.

Ensuite, Maurizio Sarri devra également démontrer que ses méthodes peuvent marcher dans un des cinq plus grands clubs du monde et mener à la victoire finale. L’expérience à Chelsea laisse encore des doutes sur sa capacité à gérer l’ego des gros joueurs. Parfois trop inflexible dans ses principes, il faudra également voir s’il sera capable de se réinventer, quitte à abandonner son incontournable 4-3-3, pour enfin rentrer dans le cercle des très grands entraîneurs italiens. Fort heureusement, sa victoire en Europa League à Chelsea a légèrement éloigné de lui son image de loser magnifique. Mais certaines déclarations ici ne seront plus permises, comme lorsqu’en mai 2019, il estimait ne pas trop aimer « le concept de victoire à tout prix. C’est un extrémisation qui nuit à la mentalité des tifosi et de certains dirigeants. C’est du sport, ça n’a aucun sens. On ne peut pas être mécontent d’une seconde place ». L’antithèse même de l’esprit de la Juventus, où gagner n’est pas important : c’est la seule chose qui compte.

A Chelsea, Maurizio Sarri ne se sentait pas aimer. Il arrive maintenant à la Juventus dans une ambiance plutôt sceptique mais avec la confiance totale de la direction. Un peu comme Massimiliano Allegri en fait. Nous lui souhaitons bonne chance.

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