Samedi soir, la Juventus aura l’occasion de remporter sa troisième Ligue des Champions. Pour y parvenir, les joueurs peuvent s’inspirer de ces équipes qui, à travers le temps, ont su se dépasser pour écrire les plus belles pages de l’histoire de la Vieille Dame. Stile Juve vous propose de revivre les plus grands exploits européens de la Juventus.
1977 : toute première fois !
Battue au match retour à Bilbao 2-1, la Juventus remporte la Coupe de l’Uefa grâce à sa victoire 1-0 au match aller. La Vieille Dame remporte enfin le premier trophée international de son histoire.
La Juve de Furino et Bettega est-elle meilleure que celle de Charles et Sivori, qui a pourtant marqué l’histoire ? C’est la question que se pose la presse italienne au lendemain du 18 mai 1977. Après avoir échoué deux fois en finale de la Coupe des Villes de Foires (ancêtre de la coupe de l’UEFA) en 1965 puis en 1971, la nouvelle génération menée par Giovanni Trapattoni parvient finalement à inscrire le nom de la Juventus dans l’histoire européenne. Le plus heureux sur le terrain du San Mamés n’est pas un joueur mais le président de la Juventus, Giampiero Boniperti, qui attend ce moment depuis des dizaines d’années. « C’est la première, c’est la première » crie-t-il aux joueurs.
Tout au long de son parcours, la Juventus est montée en puissance. Le Stadio Comunale à Turin est une forteresse imprenable. En défense, la charnière Gentile-Scirea est insurmontable et les rares fois où elle est dépassée, elle peut compter sur la solidité du gardien mythique, Dino Zoff. Au milieu, Furino et Benetti sont des guerriers, accompagnés par un Marco Tardelli en pleine progression. Devant, elle se fie au génie de Causio, la puissance de Boninsegna et la classe de Bettega. Cette équipe là a tout d’un potentiel champion : mais elle doit maintenant réussir là où tous ont échoué. Elle peut aussi rentrer dans l’histoire du calcio en devenant le seul club italien à remporter une coupe internationale avec une équipe composée uniquement de joueurs nationaux.
Une double confrontation indécise
Et la finale est loin d’être gagnée d’avance. A cette époque, l’Athletic Bilbao est le symbole de toute la fierté du peuple basque. Le public du San Mamès est bouillant pour soutenir une formation composée uniquement de joueurs locaux. Ils ne sont pas espagnols, ils sont basques et ils veulent même instrumentaliser cette finale pour s’élever contre le franquisme. Au match aller, à Turin, la Juventus confirme sa forme à domicile. Elle s’impose 1-0, grâce à un but de la tête de Tardelli. Les hommes de Trapattoni poussent pour aggraver le score mais l’Athletic se retranche en défense et l’attaque bianconera manque de précision.
Le plus dur est à venir pour la Juventus qui va devoir défendre son avantage dans l’ambiance hostile du San Mamès. Mais les bianconeri ne se laissent pas impressionner et Roberto Bettega refroidit d’entrée le stade, en ouvrant le score à la 7ème minute.
Mais les Basques reprennent espoir 4 minutes plus tard, lorsque Irureta égalise. L’Athletic Bilbao se lance désespérément à l’assaut du but de la Juve. En seconde période, Trapattoni décide de tout miser sur le catenaccio, la marque de fabrique italienne. Il enlève le buteur Boninsegna, bien trop esseulé devant, et fait entrer un latéral, Luciano Spinosi. Bettega passe plus de temps à jouer les défenseurs qu’à animer l’attaque.
Les douzes minutes les plus longues
Les bianconeri résistent mais finissent par céder à la 78ème minute. 2-1 pour Bilbao, les Espagnols ne sont plus qu’à un but de la victoire. « Après avoir dégagé le ballon de son but, Zoff m’a demandé l’heure, raconte Trapattoni. Je lui ai indiqué avec les mains qu’il restait 12 minutes. Il a fait un geste de désespoir, il ne pensait pas résister jusqu’à la fin. Mais au fur et et à mesure que le temps passait, je lui faisais des signes et le plus grand gardien de l’histoire a retrouvé le sourire ». Mais la fin du match semble ne jamais arriver. L’arbitre autrichien, peut-être pour satisfaire les tifosi de Bilbao qui avaient demandé deux pénalty, faisait durer le temps additionnel. Mais le coup de sifflet final est finalement arrivé, sacrant ainsi la Juventus pour la première fois de son histoire en Europe.
Une année historique
Les Basques ont lutté jusqu’au bout mais ils n’ont pas réussi à remporter le trophée. Ils ont gagné la bataille mais ils ont perdu la guerre. Parce que la Coupe de l’UEFA se gagne avec la somme de deux résultats et que le but à l’extérieur de Bettega, déjà à cette époque, valait double. Les journaux espagnols tels que Marca et El Mundo Deportivo ont critiqué la Juventus, remis en cause le Catenaccio et dézingué l’arbitre. Mais les Italiens répondent que les pénalty réclamés par les tifosi étaient inexistants et l’égalisation d’Irureta est même marquée d’un hors-jeu.
La Juve n’a pas forcément été la plus brillante sur ce match. Elle avait d’avantage impressionné lors de ses succès face à Manchester City puis United aux tours précédents. Mais ce titre vient couronner une année historique. La Vieille Dame sortait d’une longue saison, marquée par un duel pour le titre avec le Torino qu’elle a remporté d’une unité, grâce au record de points au championnat à cette époque (51). Après autant de mois de stress, il aurait été difficile d’imaginer que cette équipe se promène à Bilbao. Mais elle a su se reposer sur ses forces pour gagner ce match avec les nerfs en plus de la technique.
30 ans plus tard
Au lendemain du sacre, le journaliste Elio Domeniconi écrit : « Boniperti, comme joueur, avait gagné cinq Scudetti et deux Coppe Italia. En tant que président, il a déjà remporté trois Scudetti et une Coupe de l’Uefa. Sur sa lancée, il est décidé à battre tous les records. Personne à la Juventus ne pourra faire plus que lui. Boniperti occultera même la faim des Agnelli ». 30 ans plus tard, l’héritier Andrea Agnelli a déjà remporté six Scudetti et trois Coppe Italia. Le 3 juin, il aura à son tour l’occasion d’ajouter un titre européen à son palmarès. Un titre qui aurait des airs de première fois…
1983 : A la conquête de l’Angleterre
Si la Juve a déjà éliminé des clubs anglais par le passé, elle aura dû attendre 1983 pour enfin s’imposer sur le territoire britannique. Cela se passe en quarts de finale de Ligue des Champions, face au tenant du titre : Aston Villa.
Neuf et ancien : la recette gagnante
Cette Juventus qui est allée s’imposer dans une nuit humide de mars au Villa Park n’est pas sans rappeler celle qui jouera la finale de Ligue des Champions le 3 juin. C’est l’accomplissement du président Giampiero Boniperti : la construction d’une équipe mêlant ancien et neuf. Les sénateurs à cette époque se nomment Dino Zoff, Gaetano Scirea, Marco Tardelli ou encore Roberto Bettega. Les recrues s’appellent Michel Platini, Zbigniew Boniek et dans une moindre mesure Paolo Rossi, à sa seconde saison à Turin.
La Juventus atteint les quarts de finale sans être inquiétée. Elle élimine successivement les Danois du Hvidovre IF puis les Belges du Standard de Liège. Mais les bianconeri savent qu’ils devront réaliser un exploit pour éliminer Aston Villa en quarts de finale. Le club anglais vit son âge d’or. Sacré champion d’Angleterre en 1981, il remporte la Ligue des Champions l’année suivante en battant le Bayern Munich. Il se présente donc face à la Juventus comme le tenant du titre et à la recherche d’un doublé historique. Pour la Vieille Dame, le défi est d’autant plus grand qu’elle ne s’est jamais imposée en Angleterre. Mais la chance lui sourit : le match retour se jouera à Turin. Tout le monde s’attend donc à voir la Juve limiter la casse à Birmingham. Et pourtant, elle va réaliser un match parfait, qui est entré dans l’histoire.
Si vous avez raté le début…
Le match aller se joue le 2 mars 1983. La télévision italienne publique, la Rai, doit choisir entre la Juventus et l’Inter, qui affronte le Real Madrid en quarts de finale de la Coupe des Coupes. C’est finalement Telemontecarlo (devenu La Sette) qui diffusera le match de la Juve en direct. Mais la chaîne profite de cette occasion pour accroître ses revenus publicitaires, au point de manquer le coup d’envoi de la rencontre. Ainsi des millions de téléspectateurs ne verront pas l’ouverture du score dès les premières secondes de Paolo Rossi, sur un service de Cabrini. Ce but naît d’une inspiration géniale de Roberto Bettega, qui déstabilise la défense anglaise avec une talonnade.
Âgé de 33 ans, Roberto Bettega réalise un match exceptionnel, qualifié d’argentin et fascinant par la presse italienne. Passée sa talonnade sur l’ouverture du score, il recule d’un cran pour organiser le jeu et dialoguer à merveille avec Michel Platini. Les Anglais ne se laissent pas impressionnés par ce but. Ils sont persuadés de pouvoir faire craquer la défense italienne. Mais les bianconeri ne se contentent pas de défendre et saisissent toutes les opportunités de contre qui s’offrent à eux. L’égalisation d’Aston Villa en début de seconde période ne fait que réveiller la passion et la rage des hommes de Trapattoni.
« La plus grande équipe du monde »
Cette année-là, l’Italie découvre toute l’étendue du talent de Michel Platini. Le Français réalise une prestation de très grande qualité. Ses prouesses techniques – et la facilité avec laquelle il les réalise – impressionnent tout le monde. Quelques minutes après le but, d’un superbe ballon par dessus la défense, il lance Rossi vers le but. La frappe de l’Italien est détournée par le gardien sur le poteau. Ce n’est que partie remise. Platini, encore lui remet cette fois de l’extérieur du pied un délice de passe à Zbigniew Boniek. Le Polonais envoie le ballon dans la lucarne et redonne l’avantage aux bianconeri. Ce dernier exulte, ce but lui fait du bien alors que sa première saison en Italie est compliquée. En progression, il est encore trop inconstant. Boniperti affirme que ses difficultés sont davantage psychologiques mais qu’elles devront êtres résolues au plus vite.
« Le but de Boniek, explosif et magistral, vient récompenser l’équipe supérieure, le classe. Qui sait aussi jouer, elle a toujours plus de ressources que ceux qu’elle affronte, en particulier sur la scène internationale » peut-on lire dans les colonnes du Guerin Sportivo. « La Juve a présenté sa carte de visite. Une grande équipe est née, écrit le journaliste italien Vladimiro Caminiti. Je l’écris sans le moindre doute. Et j’ajoute qu’elle est capable de n’importe quel exploit. »Nous sommes la plus grande équipe du monde » m’avait dit Brio, chez lui, quelques jours avant le match. Il avait raison, ce n’était pas une phrase de supporter ».
A un pas de la gloire
C’est une nouvelle Juventus qui est entrain de naître. Elle succède à celle de Furino, qui ressemblait à son capitaine, indomptable et intrépide. C’est maintenant la Juventus de Platini et Bettega, créatrice de jeu, bien organisée tactiquement et pleine de personnalité. Avec cette victoire au Villa Park, elle confirme ses ambitions internationales. Au match retour, nouvelle démonstration et victoire 3-1. Vladimiro Caminiti ajoute : « A ce que je sache, il n’y pas d’équipe italienne plus grande que la Juventus, riche de capacités techniques acquises années après années, résultat d’une gestion administrative sérieuse ».
En demi-finales, la Juventus éliminera le Widzew Lodz, l’ancienne équipe de Boniek, mais échouera en finale à Athènes, contre Hambourg. Favorite, la Vieille Dame est méconnaissable, passe à côté de son match et s’incline 1-0. C’est le dernier match de Roberto Bettega, qui espérait enfin remporter cette Ligue des Champions et l’un des plus mauvais souvenirs pour les tifosi bianconeri. Mais ces derniers retrouveront vite le sourire…
1984 : Le déclic de Bâle
Un an après l’énorme déception d’Athènes et la défaite contre Hambourg, la Vieille Dame se relance sur la scène européenne en remportant sa première Coupe des Coupes.
Un parcours remarquable
Victorieuse de la Coppa Italia au terme de la saison 1982-83, la Juventus valide son billet pour participer à la C2, la compétition réunissant tous les vainqueurs de coupes nationales et aujourd’hui disparue. Ce tournoi vit, durant les années 70 et 80, son âge d’or, proposant des matchs spectaculaires et des affiches prestigieuses. Pour les hommes de Trapattoni, il n’est pas question de faire l’impasse sur cette compétition. La Vieille Dame fait partie des favoris : Platini et Boniek sont désormais bien intégrés, Paolo Rossi est à son meilleur niveau. La légende, Dino Zoff, ne garde plus les buts de la Juventus mais son successeur, Stefano Tacconi supporte bien la pression de son héritage. Les jeunes Massimo Bonini et Beniamino Vignola apportent jeunesse et fougue au milieu de terrain.
Le parcours de la Juventus est un récital mais rencontre deux obstacles majeurs : d’abord le Paris-Saint-Germain, en huitièmes de finale, qu’elle élimine sans gagner et avec une prestation ultra-défensive au retour (2-2 puis 0-0). Puis, en demi-finales, la Juventus doit s’employer pour éliminer Manchester United. Elle obtient un bon match nul à Old Trafford (1-1) puis s’impose 2-1 à Turin grâce à un but dans les dernières secondes de jeu de Paolo Rossi. Un an après la déroute d’Athènes, la Juventus retrouve une finale européenne avec un traumatisme à faire oublier.
Effacer le souvenir d’Hambourg
Favorite pour affronter le Fc Porto au stade Saint-Jacques de Bâle, la Juventus va cependant faire face à une remarquable équipe portugaise, capable d’élever son niveau de jeu pour honorer la finale. A cette époque, les Dragons sont une force émergente sur la scène européenne. Pour se qualifier, ils ont notamment éliminé le tenant du titre : les Écossais d’Aberdeen. Les Portugais savent que la Juve rumine encore sa défaite en finale de Ligue des Champions face à Hambourg un an plus tôt et mettent la pression. Le coach lance les hostilités : « Je remarque que la Juventus s’écroule toujours dans les grandes occasions ». Trapattoni veut parfaitement préparer ce match: il a visionné des centaines d’heures de vidéos pour analyser les faiblesses de son adversaire. Pour éviter une nouvelle déconvenue, il ne faut rien laisser au hasard. Il met aussi en garde Platini, la veille du match, en lui indiquant une position plus prudente sur le terrain : un sacrifice tactique vaut bien une coupe européenne.
Cet esprit de sacrifice au delà même de la qualité de jeu vaut pour toute l’équipe. Face au Fc Porto, c’est une Juventus »ouvrière » qui aborde ce match avec robustesse et solidité, dans un stade acquis à sa cause. Le match commence bien pour les bianconeri. La révélation de la saison, Vignola, ouvre le score à la 13ème minute d’une remarquable frappe. Le spectre de l’ouverture du score précoce d’Hambourg, un an plus tôt s’éloigne.
La classe ouvrière
Mais la joie est de courte durée. Sousa égalise à la 29ème minute d’une frappe lointaine. Tacconi est battu par le rebond. Tout est à refaire pour la Juventus. Contraint à des efforts défensif, le Roi Michel ne peut pas être le héros du match. Mais le seul autre étranger de cette équipe, Zbigniew Boniek, est prêt à reprendre ce rôle. Le Polonais monte en puissance, minute après minute, et devient un élément incontrôlable pour la défense adverse. Juste avant la mi-temps, il reçoit une merveille de ballon de Vignola (encore lui) et s’arrache pour redonner l’avantage aux bianconeri. Les Portugais demandent une faute mais l’arbitre valide le but.
Quelques minutes plus tard, c’est à Stefano Tacconi de revêtir le costume de héros. Le successeur de Zoff réalise une double parade monstrueuse. En seconde période, le Fc Porto est transcendé par l’enjeu et multiplie les attaques. Gentile vole la vedette au capitaine Scirea et anéantit les uns après les autres les assauts adverses. La Juve se crée quelques occasions. Paolo Rossi manque même un but tout fait. Le Trap se prend la tête entre les mains mais le score ne changera pas et la Juventus devient la troisième club italien à remporter la Coupe des Coupes, après le Milan et la Fiorentina. La presse félicite l’effort collectif de l’équipe et salue ce soir là le succès d’une classe ouvrière, en opposition à la Juventus ‘aristocrate’ qu’on voit habituellement en championnat.
Les bases pour 1985
Si cette compétition n’est pas forcément la plus prestigieuse remportée par la Juventus, elle reste néanmoins une étape fondamentale dans son parcours international. Elle permet d’effacer le souvenir de la finale de Ligue des Champions perdue à Athènes et vécue à ce moment comme le plus grand échec de son histoire tant le trophée lui tendait les bras. Après le match, Trapattoni ne peut s’empêcher d’y faire référence : « Athènes est vengée et les tifosi qui cette fois furent déçus peuvent retrouver le sourire aujourd’hui ». Le groupe sort de cette campagne renforcé et déterminé à remporter son dernier défi . A ce moment, il ne manque plus qu’un trophée européen à la Juventus : la Ligue des Champions. La consécration finira par arriver un an plus tard, en 1985, mais au terme d’une nuit tragique à Bruxelles…
1996 : Le retour au sommet
Il y a 21 ans, la Juventus remportait sa seconde Ligue des Champions, la dernière à ce jour. Ce triomphe à Rome est le point culminant du premier passage de Marcello Lippi.
Le sacre d’un entraîneur sous-estimé
Les destins de Marcello Lippi et Massimiliano Allegri semblent avoir plus en commun qu’on ne le pense. Comme l’actuel coach de la Juventus, l’arrivée de Lippi en 1994 avait fait l’objet d’une contestation de la part des tifosi. A ce moment, le mister sort d’une bonne saison à l’Atalanta (8ème) mais n’a jamais entraîné de grand club. Pour les tifosi, ce choix traduit des ambitions revues à la baisse pour la Vieille Dame. Ils ont tout faux. En deux ans, Marcello Lippi va mettre en place un cycle exceptionnel et mener la Juventus au sommet du football européen. Le tout en respectant strictement la politique budgétaire du club, tenue d’une main de fer par Antonio Giraudo, qui assainit totalement la situation financière du club. Ensemble, ils trouvent l’équilibre parfait entre dépenses, revenus et succès.
Deux ans après son arrivée, Marcello Lippi a ramené le premier Scudetto de la Juve en neuf ans (1995) et la Ligue des Champions, 11 ans après le succès de Platini et Trapattoni. Le mister a brûlé les étapes pour mettre fin à la disette et pour obtenir des victoires encore plus significatives que celles obtenues dix ans plus tôt. Dans les deux cas, la Juve avait mis un terme à une domination européenne : celle de Liverpool dans les années 80 et de l’Ajax, tenant du titre en 1996. Mais dans le premier cas, la tragédie de l’Heysel avait eu une influence sur le résultat. L’arbitre lui-même avait admis, quelques années plus tard, avoir concédé un pénalty généreux à Michel Platini. Et après le sacre de 1996, Roberto Bettaga concède : « Nous avons longuement attendu ce moment. Nous n’avons jamais considérée la victoire de 1985 comme une vraie victoire à cause du Heysel ».
Les équipes de Trapattoni et Lippi ont peu en commun. Les deux entraîneurs ne partagent pas la même philosophie. Celle du Trap’ faisait la part belle aux individualités comme Platini, Scirea et Boniek tandis que Lippi a fait du collectif sa plus grande force. L’équipe ne dépend plus d’un joueur en particulier mais au contraire, elle démontre qu’elle peut se libérer de l’influence des stars, quitte à les vendre. Ainsi, Roberto Baggio est cédé à l’Ac Milan en 1995. Surtout, le succès de 1985 marquait la consécration et le crépuscule du cycle de Platini tandis qu’en 1996, l’équipe de Lippi a un grand avenir devant elle et le prouvera en enchaînant deux finales de plus, sans les remporter.
Un retour dans la grande Europe gagnant
La victoire finale de la Juventus prend ses racines en septembre 1995 à Dortmund. De retour en Ligue des Champions après neuf ans d’absence, privée de Ravanelli et Vialli et menée au score dès la première minute par le Borussia, la Vieille Dame se transcende et s’impose 3-1, notamment grâce à un but mythique d’Alessandro Del Piero, également auteur des deux passes décisives. Le parcours de la Vieille Dame est marqué par l’explosion du Pinturicchio, un artiste accompagné par les infatigables travailleurs que sont Ravanelli et Vialli, le capitaine. Match après match, on réalise le potentiel de cette équipe qui a fait de la Ligue des Champions sa priorité, au-delà même du Scudetto.
En quarts de finale, la Juventus rencontre le Real Madrid. Les bianconeri s’inclinent 1-0 en Espagne, au match aller. Mais Del Piero et Padovano renversent la vapeur à Turin et se confirment comme un sérieux prétendant au titre. Le destin de la Juventus passe par la France. En demi-finales, elle rencontre le Fc Nantes. Les juventini font le plus dur à domicile, au match aller, en s’imposant 2 buts à 0. La défaite, 3-2, au match retour ne les empêche pas d’accéder à la finale.
A Rome, l’apothéose
Le parcours de la Juventus s’achève à Rome, au Stadio Olimpico : le théâtre idéal pour la plus grande équipe d’Italie. Mais c’est un autre club mythique européen qui se présente face à elle : l’Ajax d’Amsterdam, tenant du titre. Le match tient toutes ses promesses. L’opposition de style est total : d’un côté, le jeu hollandais, basé sur la possession et des schémas réglés à la seconde près mais trop prévisibles. De l’autre, le pressing, l’esprit guerrier et le sacrifice collectif italien.
L’agressivité des bianconeri est payante. Ravanelli ne lâche rien et profite d’une mésentente entre De Boer et son gardien pour chiper le ballon et l’envoyer au fond des filets d’une position totalement excentrée.
La Juve est portée par l’enthousiasme mais Ravanelli puis Deschamps manquent le coup du ko. Des erreurs coûteuses lorsqu’on affronte une équipe comme l’Ajax. Les néerlandais égalisent par Litmanen, après un coup franc très mal repoussé par Peruzzi. 1-1. Le score n’évoluera plus malgré de nouvelles occasions pour Del Piero et Vialli.
La séance de tirs aux buts est décidément un exercice qui sourit à Marcello Lippi. Dix ans avant la finale de la Coupe du Monde, les réalisations de Ferrara, Pessotto, Padovano et Jugovic ainsi que les deux arrêts de Peruzzi face à Davids et Silloy offrent au mister et à ses joueurs la seconde Ligue des Champions de l’histoire de la Juventus. Mais ce succès ne doit rien au hasard et d’ailleurs, du côte hollandais, personne ne conteste la victoire de la Vieille Dame, bien installée sur le toit de l’Europe.
Comme en 1996, la Juventus affrontera ce week-end le tenant du titre. Comme en 1996, la Juventus accède à la finale en battant une équipe française. Comme en 1996, Allegri pourrait remporter la Ligue des Champions deux ans après une arrivée contestée et en ayant vendu certaines de ses stars, confirmant ainsi le parallèle avec Lippi. Et ne dit-on pas jamais deux sans trois ?
2003 : LE match parfait
En 2003, la Juve réalise l’exploit d’éliminer le Real Madrid, après une défaite au match aller, pour se porter en finale. Les bianconeri terrassent les Galacticos, tenant du titre, au terme d’un match entré dans l’histoire.
Une affiche mythique
Le 14 mai 2003, 75 000 personnes sont présentes au Stadio Delle Alpi pour une recette de plus de 3 millions d’euros. Des chiffres sensationnelles pour un événement qui l’est tout autant. La demi-finale retour de Ligue des Champions oppose la Juventus au Real Madrid. Ce n’est pas qu’un match de foot. C’est un duel entre deux des plus grandes équipes du monde. D’un côté, les bianconeri tout juste sacrés champions d’Italie pour la 26ème fois, menés par le Capitaine Del Piero et un Pavel Nedved qui renverse tout sur son chemin. De l’autre, les Galactiques, surnommés ainsi pour insister sur la dimension stellaire de cette équipe. Une formation composée de stars comme Raul, Guti, Roberto Carlos et de trois Ballons d’Or : Zidane, Ronaldo et Figo.
La Juventus part avec un handicap : la défaite 2-1 au match aller. Ronaldo avait ouvert le score au Santiago Bernabeu. Trezeguet égalise avant que Roberto Carlos ne marque le but de la victoire. « Nous avons encaissé le but du 2-1 pendant notre meilleur moment » déclare un Marcello Lippi amer après la défaite. La Juve est battue mais garde la tête haute. Et surtout, même si il faudra un exploit, tout est encore jouable pour le match retour.
Gagner, et avec la manière
Quatre jours après avoir célébré un second Scudetto consécutif – un titre qui consacre la réussite du retour de Lippi – les tifosi bianconeri sont encore sur leur nuage et prêts à célébrer un nouvel exploit. Les joueurs, eux, attendent ce match avec impatience. Ils savent qu’ils peuvent le faire et pas seulement parce qu’une victoire 1-0 suffirait. Personne n’a envie de faire des calculs ce soir-là. Ce serait bien trop risqué face à une telle équipe, capable de marquer à n’importe quel moment. Les bianconeri ont réalisé au Bernabeu qu’ils étaient capables de rivaliser avec le Real Madrid. Mais pour gagner : il faudra faire le match parfait.
La veille du match est pleine de tensions. Del Bosque et Lippi préparent leurs tactiques dans le plus grand secret : ils se cachent, bluffent, cherchent à surprendre l’adversaire. A l’aller, la Juventus avait souffert dès le coup d’envoi et contraint Lippi à faire évoluer son schéma tactique, notamment pour contrer son ancien poulain, Zinédine Zidane. Le Mister récupère Birindelli juste à temps pour le match mais il ne sait pas encore dans quelle position l’aligner. Il doit aussi faire avec deux absences de poids, celles de Ferrara et Iuliano. Mais il peut aussi compter sur les retours de Montero, Tacchinardi et Davids, qui avaient manqué le match aller. En face, le Real n’est pas sûr de pouvoir compter sur Ronaldo, touché au mollet. Le Brésilien n’est pas titulaire. Un premier tournant.
Une Juventus « galactique »
Le 14 mai 2003, l’hymne de la Ligue des Champions fait frissonner les tifosi. Et certainement les joueurs aussi. Lippi aligne un 4-3-1-2 : Buffon dans les buts, protégé par une charnière centrale composée de Tudor et Montero. Thuram et Birindelli jouent les latéraux. Au milieu, place à Zambrotta, Tacchinardi et Davids. Nedved évolue en numéro dix juste derrière le tandem Del Piero-Trezeguet. Mais la douche froide est proche lorsque Roberto Carlos, dès les premières minutes de jeu, sort sa spéciale : coup-franc lointain, frappe surpuissante et pleine d’effet. Buffon est battu mais le ballon frôle le poteau. Quelques minutes plus tard, Nedved centre pour Del Piero qui remet de la tête à Trezeguet. Le bomber français reprend de volée et ouvre le score pour la Juventus. 1-0 !
Mais il ne faut surtout pas se relâcher et les bianconeri ne tombent pas dans le piège. Birindelli contient Figo, Zidane sent la pression de son ancien public, qui ne lui fait pas de cadeau. Les mouvements de l’équipe sont réalisés à la perfection. Les Galactiques sont dépassés. Profitant du travail de Del Piero, Trezegol passe tout près de doubler la mise. Ce n’est que partie remise : juste avant la mi-temps, il Pinturicchio s’amuse avec la défense du Real Madrid et trompe Iker Casillas. Un but d’anthologie qui laisse place à une ambiance absolument incroyable au Delle Alpi.
Les 45 dernières minutes s’annoncent longues pour la Juventus mais les joueurs sont transcendés par l’enjeu. Del Bosque n’a pas le choix : pour espérer se qualifier, il doit faire rentrer son arme fatale, Ronaldo, même s’il n’est pas à 100%. Mais le Fenomeno n’a pas besoin d’être au meilleur de sa forme pour renverser les matchs. A la 66ème, il contraint à Montero à la faute dans la surface de réparation : pénalty pour le Real ! Un but et c’est l’égalité totale avec un avantage psychologique pour les madrilènes. Figo se présente face à Buffon. Le gardien italien le regarde droit dans les yeux, Figo semble intimidé. Et Gigi réalise l’exploit en sortant le pénalty. Le stade explose : rien ne peut atteindre la Juventus ce soir.
Les bianconeri y croient plus que jamais. Le Real Madrid fatigue. Le pénalty aurait pu les relancer, il les a coulés un peu plus. A la 73ème, Zambrotta lance Nedved dans la profondeur. La Furia Ceca grille la défense du Real et place une frappe parfaite : 3-0. C’est le délire au Delle Alpi. La Juventus est en finale de la Ligue des Champions !
Le drame Nedved
La soirée aurait été parfaite jusqu’au bout si Nedved, dans un excès d’engagement, n’avait pas reçu un carton jaune le privant de finale. Le Tchèque réalise tout de suite le poids de la sentence. Il se prend la tête entre les mains et fond en larmes. Ce carton ne l’empêchera pas de remporter le Ballon d’Or à la fin de l’année mais le football est avant tout un sport collectif et le Tchèque aurait sûrement échangé cette récompense avec une Ligue des Champions. La perte est énorme pour la Juve et on se demandera toujours quelle finale nous aurions eu avec Pavel Nedved sur le terrain…
La réduction du score de Zidane en fin de match est anecdotique. La Juventus devait faire un match parfait. Et elle a rempli sa mission. Le 3 juin 2017, elle est à nouveau attendue au tournant face au Real Madrid, tenant du titre. Les joueurs savent ce qu’ils ont à faire.
2015 : La Vieille Dame ne meurt jamais
6 juin 2015. La Juve est de retour au sommet après 12 ans d’abstinence. Retour sur le parcours incroyable de la Vieille Dame, qui a montré la voie à la Juventus d’aujourd’hui.
Un blason à redorer
Pour comprendre tout le symbole que cela représente, il faut remonter trois ans en arrière, à l’arrivée de Conte et du duo Marotta-Paratici à la tête du club turinois. La Juve, après cinq ans de galère dont un en Serie B retrouve la gloire en Italie. Conte remporte trois Scudetti de suite avec sa Juve, battant tous les records. Une année, il termine le championnat invaincue, une autre, il dépasse la barre des 100 points. Mais alors, à l’étranger, peut-être la Juventus est elle encore vue comme un club de légende à respecter, mais qui n’a plus sa place sur la scène européenne. Pourtant, ses prestations ne sont plutôt bonnes, mais après la qualification manquée contre Galatasaray en 2013, on peut se demander si la Juve reviendra d’ici sous peu au premier plan.
C’est avec l’arrivée d’Allegri que tout change. Beaucoup critiqué à ses débuts, il récupère une équipe certes forte, mais qui a besoin de nouveaux défis. Et l’un de ceux-là est forcément de faire une campagne sérieuse en Europe. La Juve tombe dans un groupe abordable: elle affrontera l’Atletico Madrid, l’Olympiakos et Malmö. Deux défaites contre l’Atletico et l’Olympiakos ne l’empêchent cependant pas de réussir à franchir le premier pas. Si elle ne se qualifiera qu’avec un point de plus que le club grec, terminant deuxième derrière l’Ateltico, l’essentiel est assuré.
Fino alla Finale
Mais c’est alors que la Juve va effectuer un parcours cinq étoiles afin d’atteindre le rêve: la finale de la Ligue des champions. Tout d’abord, la Juventus affrontera Dortmund, qui n’est pas l’adversaire le plus facile à jouer. Beaucoup les voient au même niveau que la Vieille Dame, lui préférant parfois même le club allemand qui, s’étant retrouvé en finale quelques années plus tôt, avait bénéficié de la hype qui regarde les clubs brillants en Europe. Mais Tévez et Morata sèchent rapidement les espoirs allemands: une victoire 2-1 à Turin, et un succès net 3-0 à Dortmund devant un tifo qui a pourtant de quoi faire frissonner.
La Juventus se qualifie pour les quarts; si toutes les équipes méritent leur place, Monaco est l’équipe que presque tout le monde rêve d’affronter. Cependant tout le monde le sait: aucune équipe se retrouvant en quarts de Ligue des champions n’est facile à jouer. La Juve tire donc le club monégasque, et si elle réussira à se qualifier, ce ne sera toutefois pas chose facile. L’aller est remporté à Turin sur le score de 1-0 avec un pénalty de Vidal alors que le retour laisse un goût amer aux adversaires puisque la Juve ne l’a selon eux, pas remporté avec la manière. Mais voilà la force d’une grande équipe; assurer l’essentiel, parfois aux dépends du beau jeu. Vincere non è importante, è l’unica cosa che conta, comme on dit chez nous.
La demi-finale sera tout à fait différente. Tout le monde veut affronter la Juve, et le Real ne fait pas exception. Certains supporters se réjouissent à l’avance lorsqu’ils apprennent qu’ils rencontreront les turinois: une équipe avec peu d’expérience, qui sort d’un quart de finale assez contesté, voilà un adversaire parfait pour le tenant du titre! La Vieille Dame accueille son adversaire pour le match aller. Surprise: Morata et Tévez emmènent la Juve vers la victoire, même si Ronaldo répond avec un but. Score finale 2-1, si la Juve est avantagée, tout reste encore à faire. Le retour à Bernabeu s’annonce compliqué, mais la Juve résiste et accroche le nul 1-1 avec un but de Morata qui ne fêtera pas contre son club chéri, lui permettant d’accéder à une finale qui lui échappe depuis trop longtemps.
C’est l’euphorie à Turin; la Vieille Dame affrontera le Barça, l’équipe la plus crainte de cette édition. Si le match semble pour certains joué d’avance, il y a pour d’autres une vraie confiance en cette Juventus. La défense est la meilleure d’Italie depuis quatre saisons et pourra peut-être contenir les assauts des trois meilleurs attaquants de la planète, le milieu composé de l’expérimenté Pirlo, du jeune talent Pogba, du travailleur Marchisio et du hargneux Vidal n’a rien à envier aux plus grands d’Europe, et l’attaque Tévez Morata s’est montrée ultra prolifique: en effet, le premier est à 7 buts et 3 passes décisives, alors que le second en est à 5 et 2 passes décisives. Faites le calcul, la Juventus a marqué 17 buts depuis le début de son parcours européen…
La tête haute
Si le Barça est incontestablement la meilleure équipe de ce tournoi, la Juve a son mot à dire. Buffon l’avait d’ailleurs déclaré, «on ne va pas à Berlin pour faire du tourisme». Le coup d’envoi est donné: alors que Rakitic ouvre le score, Morata lui répond rallumant l’espoir dans tous les cœurs juventini. Elle ne peut cependant résister longtemps aux assauts catalans qui envoient Suarez au but, tandis que malgré des occasions turinoises, Neymar enfoncera le clou en toute fin de match. Score finale 3-1 pour le Barça, mais la Juve n’a pas démérité.
D’ailleurs, si certains ne peuvent retenir leurs larmes, d’autres sourient, signe que les guerriers auront tout donné dans la bataille. Si certains diront que la Juve aurait pu faire mieux en craignant moins le Barça, toujours est-il que rencontrer une telle équipe après une première finale en 12 ans oblige ne peut entraîner qu’un tel état d’esprit. Certes, le Barça a été trop respecté, et cela s’est ressenti du côté catalan. Mais le plan mental est aussi à prendre en compte, c’est même l’une des choses les plus importantes, et la Juventus n’avait pas les moyens d’être mieux préparée à ce niveau là, car seule l’expérience qui le permet. Preuve en est avec la couverture des journaux qui titrent au lendemain de la finale «A testa alta», la tête haute.
Depuis cette finale, la Juve a retrouvé une crédibilité européenne. Elle a pris sa revanche sur son bourreau cette année, et le rêve continue. Espérons maintenant que ce parcours ait apporté l’expérience nécessaire à la Vieille Dame pour pouvoir enfin atteindre les étoiles.