43 joueurs ont porté le maillot de l’Inter et de la Juventus . Mais aucune histoire ne peut égaler celle de l’échange entre Pietro Anastasi et Roberto Boninsegna.
« Une triste affaire » : un échange qu’aucun joueur ne veut
Nous sommes en 1976. Le président nerazzurro Ivanoe Fraizzoli trouve un accord avec son homologue bianconero Giampiero Boniperti. Roberto Boninsegna, 33 ans, quitte l’Inter et rejoint la Juventus. Pietro Anastasi, cinq ans de moins, fait le chemin inverse. L’échange ne ravit aucun des deux joueurs. « Pour moi, c’était une triste affaire, raconte Bonimba, parce que je me voyais comme une bandiera de l’Inter. Un joueur intransférable. J’étais à la mer avec ma femme et un plagiste m’appelle pour me dire qu’il y a un coup de téléphone pour moi. C’est Fraizzoli qui, un peu embarrassé, me dit : ‘Roberto, tu dois venir demain à Milan car la société a décidé de te donner à la Juventus’. Je sursaute et je lui réponds : ‘Mais Président, c’est vous la société ! Vous n’avez qu’à aller vous à la Juventus’. Je suis revenu vers ma femme qui m’a vu complètement pâle. Elle m’a demandé si quelqu’un était mort. Au final, j’ai du accepter. A l’époque, ce n’était pas comme aujourd’hui. Si on te vendait, tu devais y aller, c’était une obligation ».
Anastasi n’est pas plus enchanté. Mais c’est lui qui est à l’origine de cette décision. Reprenant les mêmes termes que Boninsegna, il parle d’ « une triste affaire. Si on en est arrivé là, c’est parce que je me suis fâché avec l’entraîneur de l’époque à la Juventus, Carlo Parola. J’étais pratiquement exclu du groupe et le président Boniperti s’est mis au travail pour réaliser cet échange incroyable. Pour moi ça a été très dur. J’avais passé huit ans à la Juventus et je devais aller chez un rival comme l’Inter. Je ne l’aurais jamais voulu. A l’époque, quand on disait Boninsegna, on pensait tout de suite à l’Inter et quand on disait Anastasi on pensait à la Juventus ».
Le fameux ‘flair intériste’
Au moment de l’échange, la presse est une unanime : c’est une affaire en or pour l’Inter qui reçoit un attaquant dans la force de l’âge et cède un buteur sur le déclin. Mais les nerazzurri n’ont jamais eu de flair avec Boninsegna. Arrivé à Milan à 14 ans, il n’est pas conservé dans la Primavera. Les Interistes craqueront leur tirelire pour le faire revenir quelques années plus tard, après qu’il ait écrit les plus belles pages de l’histoire de Cagliari aux côtés de Gigi Riva. A l’Inter, il confirme avec un Scudetto et deux titres de meilleur buteur du championnat. Mais lorsque la direction reçoit cette offre d’échange Anastasi-Boninsegna, ils ne prennent pas une minute pour y réfléchir. C’était pourtant sous-estimé toute la malice du président Boniperti.
Car, la bonne affaire c’est bien la Juventus qui la réalise. Bonimba marque 35 buts toutes compétitions confondues et aide la Juventus à gagner non seulement deux Scudetti mais aussi le premier titre européen de la Vieille Dame : la Coupe de l’Uefa contre Bilbao. Pour Pietruzzo à Milan, tout va mal. 7 buts en deux ans avant de finir sa carrière du côté d’Ascoli et Lugano. Le journaliste Leo Turrini raconte : « Le génie Boniperti ne s’était pas trompé : Anastasi était bel et bien en fin de course (…). Mazzola (son coéquipier ndlr) s’est damné l’âme pour le remettre en confiance mais c’était inutile. Lentement, mais inexorablement, Pietruzzu s’éteint ». Tout l’inverse de Boninsegna qui se rappelle : « Arriver à la Juventus, l’équipe que j’avais affronté tant de fois et qui m’avait donné autant de coups était difficile. Mais au final, j’ai passé trois années splendides ».
Un doublé pour les retrouvailles
Boninsegna en aurait presque des regrets : « Nous aurions même pu gagner encore plus avec cette Juventus. C’était juste dommage que Trapattoni soit aussi jeune à l’époque. Avec Bettega, on riait tout le temps parce qu’il ne faisait jamais les bons changements. Mais faire une demi-finale de Ligue des Champions et gagner une Coupe de l’Uefa avec onze italiens sur le terrain était un véritable exploit. C’était une équipe très forte qui gagnait avec mérite et un certain style. Je suis juste déçu pour Pietro (Anatasi ndlr) qui a eu moins de chance. Après le Scudetto de 1971, l’Inter était dans un moment de creux et Anastasi n’a pas été performant mais ce n’était pas sa faute ».
Les retrouvailles entre les deux clubs sont mémorables pour Boninsegna : « C’était le 16 janvier 1977 et j’ai marqué un doublé à Turin. J’avais une telle rage en moi, dès que quelqu’un me touchait il tombait. Je n’avais rien contre l’Inter ou mes anciens coéquipiers, j’en voulais juste à ceux qui avaient décidé de me vendre. D’ailleurs, je n’ai jamais voulu jouer à San Siro avec le maillot de la Juventus. Heureusement qu’il y avait Sergio Gori pour me remplacer ».
En Nazionale, deux destins croisés et une histoire de testicule…
Boninsegna et Anastasi n’étaient décidément pas faits pour être associés. Même en Nazionale, chacun a connu des périodes de gloire individuelle. La faute à un sélectionneur qui ne veut pas de Boninsegna et sélectionne Anastasi à la place pour l’Euro 1968, dont il est l’un des héros. Et puis, il y a cet incroyable coup du destin pour la Coupe du Monde 1970.
A la veille du départ de l’Italie, Anastasi se chamaille avec le masseur Tresoldi et à force de provocations, l’attaquant finit par recevoir un coup de poing dans le ventre. Rien de grave à première vue, sauf que l’Italien finit à l’hôpital après une crise nocturne, la faute à une sombre histoire de testicule mal remis de l’impact… Boninsegna est alors appelé de toute urgence. Le résultat ? Bonimba est le meilleur italien du tournoi et finit deuxième meilleur buteur, derrière Gerd Muller. Une histoire de poisse à laquelle l’Inter aurait sans doute du penser une minute avant d’accepter ce qui était trop beau pour être une aubaine.