6 juin 2015, la Juventus est à Berlin pour y affronter, en Finale de Champions League, le FC Barcelone. Ce jour là, les Bianconeri s’inclinent sur le score de 3-1, échouant à la seconde place mais tenant toutefois la dragée haute à l’ogre barcelonais durant l’entièreté de la partie.
Depuis, 675 jours se sont écoulés entre cette finale perdue et le match aller du quart de finale prévu ce soir. Durant cette période, bien des choses ont changé côté Bianconeri, passant de l’effectif au schéma de jeu, sans oublier le statut. En effet, il y a deux ans, la Juventus abordait la compétition avec un statut d’outsider, pouvant titiller les plus grands, tout au plus, mais certainement pas arriver en finale. De par son parcours, elle a su surprendre toute l’Europe, passant de Dortmund à Madrid en faisant escale à Monaco. Toute l’Europe, sauf Barcelone à vrai dire. Et si ce soir, la Juve le faisait ?
Un effectif bouleversé
A la suite de cette finale perdue, la Juventus a compris qu’il lui faudrait améliorer son effectif pour espérer monter sur la première marche. Ce qu’elle ne savait pas encore, c’est que 2 ans plus tard elle aurait perdu quelques un de ses meilleurs éléments. Pensons à Pirlo, qui a décidé de mettre un terme à sa carrière européenne à la suite de cette défaite, ou à Vidal qui a préféré croire que le Bayern serait plus capable de la remporter dans les années à venir. Sans oublier Morata, buteur lors de cette finale ou encore Pogba, ayant mis un terme à ses « vacances » turinoises, tous deux partis un an plus tard.
Pour faire court, la Juventus qui s’est présentée en finale contre Barcelone n’a plus rien à voir avec celle d’aujourd’hui. Pas moins de 12 joueurs, titulaires ou remplaçants, ne font plus partie du club. Pire encore, puisque six d’entre eux étaient titulaires. A titre de comparaison, douze des dix-huit Barcelonais présents ce soir là sont encore au club, et les catalans n’ont perdu qu’un seul élément titulaire ce soir là, il s’agit de … Dani Alves, aujourd’hui turinois.
Juventus version 2016-2017
Ne soyons toutefois pas alarmistes, puisque la Juventus a depuis réalisé de très belles campagnes de recrutement, remplaçant numériquement, et qualitativement, la majorité des éléments perdus. Prenons pour exemple la défense. Si l’inévitable Buffon défend encore les cages turinoises, il n’en est pas de même pour les autres postes. La charnière est aujourd’hui majoritairement composée par Bonucci-Chiellini, contrairement à 2015 où Chiellini avait dû déclarer forfait lors de cette finale pour cause de blessure, remplacé donc par Barzagli. Les flancs sont laissés à Sandro et Alves, contre Evra et Lichtsteiner en 2015.
La Juventus y a-t-elle perdu aux changes ? Pas vraiment, les chiffres tendent d’ailleurs à le prouver puisque la Vecchia Signora est actuellement la meilleure défense en Champions League, n’ayant encaissé que deux petits buts. En 2015, avant d’arriver à ce stade de la compétition, la Juventus en avait déjà encaissé 5, soit trois de plus.
Offensivement parlant, la Juventus a perdu Tevez, auteur cette saison là de six buts avant les quarts de finale, mais aussi Morata et ses deux buts au compteur. Soit huit buts à eux deux, sur les douze marqués alors par la Juventus avant d’affronter Monaco. Aujourd’hui, le secteur offensif est composé de quatre joueurs, à savoir Mandzukic-Dybala-Cuadrado-Higuain. A eux quatre, ils n’ont pourtant marqué que sept buts sur les quatorze inscrits jusqu’à présent, soit la moitié. Il serait donc facile de croire que la Juventus est moins productive offensivement parlant, tout du moins ses atouts offensifs. Mais il faut se rappeler que Morata n’a commencé à inscrire ses buts qu’à partir de Dortmund et que, parallèlement, Tevez est devenu muet devant les cages après cette rencontre, n’inscrivant qu’un seul but. Il n’est donc pas utile de s’arrêter sur ces seuls chiffres, mais plutôt se demander si les quatre fantastiques sont capables de faire aussi bien que leurs deux prédécesseurs. Intrinsèquement parlant, ils en ont les qualités et peuvent se révéler à tout moment. Sans oublier que l’animation offensive et collective est peut être plus importante que le nombre de buts d’un ou l’autre joueur. Et à ce petit jeu là, la Juventus 2016-2017 est certainement mieux armée.
Ces quelques lignes tendent donc à nous rendre tous confiants, certes. Mais il ne faudrait pas s’y méprendre, la Juventus a tout de même perdu en qualité en son cœur : son entrejeu. Autrefois dirigé par son chef d’orchestre, Pirlo, et ses musiciens Vidal, véritable guerrier, et Pogba, futur joueur le plus cher de l’histoire, il en est aujourd’hui orphelin et cherche un second souffle. Longtemps d’ailleurs, le Mister aura cherché à composer de nouvelles mélodies, n’arrivant que trop peu souvent à reproduire ses notes. Khedira et Pjanic ont été recruté pour les faire oublier, tout en comptant toujours sur Marchisio, véritable Prince de Turin. Si l’apport de l’allemand n’est plus à démontrer, celui de Pjanic a longtemps posé question. Une fois en dix, l’autre en six sans jamais réellement convaincre, c’est aujourd’hui dans un milieu à deux qu’il donne la pleine mesure de son talent et de ses capacités, obligeant Il Principino à s’asseoir sur le banc. Si l’on est encore loin de savoir si ce milieu à deux a tout pour rivaliser avec son passé, les premières réponses nous parviendront ce soir, aux alentours de 11 heures. En espérant que le Peuple Bianconero s’accorde au nouveau rythme.
Un style de jeu bien différent
« Le football, ce n’est pas seulement de la tactique et des schémas. On veut faire passer le football pour une science, alors que cela n’a absolument rien de scientifique. C’est un spectacle, et ce sont les artistes qui font le spectacle. Vouloir dépoétiser le football et étouffer la créativité est l’erreur la plus grande que nous soyons en train de faire. Si on enlève la part de poésie du football, alors autant y jouer sur l’ordinateur. » Ces mots sont signés Allegri, c’était en 2015 avant le quart de finale face à Dortmund. Elles résument l’ensemble de la pensée du Mister, les tactiques, les schémas ne valent pas grand-chose. Alors, 4-3-1-2 ou 4-2-3-1, quelle différence ? Peu, très peu pour lui. Pour preuve, il n’hésite pas à aligner Sturaro dans le quatuor offensif, l’estimant capable d’abattre le travail d’un Mandzukic, avant tout défensivement parlant.
Mais restons réalistes, si ces paroles expriment une certaine pensée, il ne faut pas la prendre pour évangile. La Juventus attendait beaucoup de son milieu quand aujourd’hui, c’est surtout son quatuor offensif qui est amené à trouver la faille. Fini les passes chirurgicales, c’est à Dybala et consorts de trouver la solution et d’alimenter Higuain. Fort heureusement, ce qui a toujours fait sa force l’est encore, voire plus encore, aujourd’hui. Le style défensif de la Juventus n’a plus rien à démontrer, ni même ses joueurs qui font partie des meilleurs à leurs postes. En y ajoutant quatre joueurs à vocation offensive, capable des mêmes prouesses que Neymar, Messi et Suarez, leurs futurs adversaires, tout en changeant son entrejeu, Allegri a peut être trouvé les clés pour les faire déjouer et passer ce tour, et devenir par la même occasion l’un des principaux favoris à la victoire finale.
David contre Goliath
Beaucoup d’eau a donc coulé sous les ponts. Si Barcelone a peu évolué, la Juventus a vécu une véritable révolution depuis leur dernière confrontation. Les écarts entre les deux formations ne sont plus aussi conséquents qu’à l’époque, les éléments individuels Bianconeri n’ont presque plus rien à envier à leurs homologues espagnols, et Allegri a prouvé faire partie des meilleurs tacticiens. Les huitième de finale ont d’ailleurs démontré que tout était possible, Barcelone n’est plus aussi souverain et les parisiens ont longtemps cru être David avant de voir Goliath les écraser. Et si c’était la Juve ?