C’est officiel, Benedikt Höwedes est dès à présent un joueur bianconero. Débarqué à Turin en prêt payant avec obligation d’achat au bout de 25 matchs officiels joués, Höwedes coûterait en tout à la Juventus environ 20 millions d’euros, soit 3,5 pour le prêt et 13 si le rachat est effectué en plus de quelques bonus. Une occasion rêvée en l’état actuel des choses: départ de Bonucci, fragilité de Lichtsteiner et de Barzagli, paris Rugani et De Sciglio…et si l’Allemand était la solution à toutes ces incertitudes?
Nouveau championnat, premières impressions
Après seize années passées à Schalke, son club formateur et le seul qu’il n’ait jamais connu, Benedikt Höwedes signe donc à la Juventus. Un nouveau championnat, un club plus ambitieux et une nouvelle culture: si ce ne sera pas évident pour l’Allemand de s’adapter, il n’en reste pas moins que le bonhomme est motivé, comme il le montre lors de la conférence de presse qui a eu lieu cet après-midi à Turin : «Ma première impression est très bonne, ce championnat est très professionnel et tous ceux qui appartiennent au club, quel que soit leur rôle, le sont. Je suis donc très heureux d’être ici, surtout que c’est un club que j’ai toujours admiré. La Juve est l’un des plus grands clubs au monde, et j’avais aussi mis l’accent sur le fait qu’un jour dans ma vie, je voulais jouer à l’étranger. Ce moment est arrivé, et je pense que c’est la bonne voie à suivre. Je n’ai eu aucun doute, je n’ai pas réfléchi trop longtemps avant de prendre cette décision, c’est un immense honneur d’être ici».
Tant de changements, certes, mais Benedikt pourra heureusement compter sur le soutien de son compatriote Sami Khedira: «Il m’aide à comprendre comment fonctionnent les choses. Tout ce qu’il m’avait dit sur le club, soit qu’il était très professionnel et que l’encadrement était de très haut niveau s’est vérifié lorsque je suis arrivé. Il me dira aussi quoi faire à Turin pendant notre temps libre, ce genre de choses. En fait, c’est beau d’avoir Sami à mes côtés, parce qu’il pourra sans aucun doute me donner pleins de conseils».
Et lui qui observait la Juventus de loin, aurait-il des conseils avisés à donner à la Vieille Dame afin qu’elle franchisse un cap en Europe? «Dans le foot, il faut avoir une bonne part de chance ainsi qu’une motivation inaltérable. Je ne peux pas dire ce qui manque à la Juventus; elle est arrivée deux fois en finale en trois ans. Le fait qu’ils aient atteint cet objectif signifie que la plupart des choses qu’elle a fait était juste.»
Une manière très positive de voir les choses. « Au lieu de parler de ce qui manque à la Juve, essayons de parler de ses mérites. Je pense que pour gagner ces matchs, il faut vraiment beaucoup de chance. Et un jour ou l’autre la Chance sourira à la Juve afin qu’elle puisse soulever la coupe de la Ligue des champions. Mais ça, ce n’est rien d’autre qu’une prévision pour le futur».
Ambitions
«Évidemment, il faut aussi penser à l’équipe nationale car comme tous mes compatriotes, j’ai pour objectif d’être convoqué au prochain mondial. Je suis ici pour jouer au plus haut niveau possible; je parle de la Ligue des champions. Pour moi, être dans une grande équipe m’aide à atteindre le plus haut niveau». S’il aurait très certainement fait partie des convoqués en continuant de jouer la valeur sûre au sein de Schalke, il prend un risque conséquent en signant cette année à la Juve. Soyons sûrs qu’il saura se montrer sous son plus beau jour.
Et il y a de quoi être motivé. Si le joueur a gagné la coupe du monde avec la Mannschaft en tant que titulaire, en club, il n’en est pas de même. Une coupe d’Allemagne, ainsi qu’une Supercoupe remportée face à l’ennemi Dortmund, en voilà un palmarès plutôt triste. Un facteur qui aura été déterminant dans son envie de changer d’air: «J’espère gagner des titres, parce que quand on joue dans un tel club, on y pense forcément. La Juve a réussi tant de choses par le passé; elle a été six fois championne d’Italie, tout le monde veut lui arracher son titre, ou du moins le lui rendre plus difficile à gagner. Je sais que la pression est énorme quand on joue pour ce genre de club, mais la pression se combat en jouant toujours mieux».
Une pression encore plus importante si l’on considère que le garçon arrive avec le devoir d’apporter son expérience à une défense parfois incertaine, elle qui était la meilleure d’Europe pas plus tard que l’an dernier: «De loin, on voyait que la Juve avait un excellent secteur défensif. Je donnerai le maximum afin que cette perception soit toujours d’actualité».
Et la Juve, qu’est-ce qu’elle y gagne?
Entendons-nous bien, le secteur défensif de la Juventus est très, très loin d’être une catastrophe. Cependant, avec les trop nombreuses incertitudes qu’il peut donner, comme l’explosion ou non de De Sciglio et Rugani, le risque de blessure ou de fatigue de Lichtsteiner et de Barzagli, les hauts et les bas de Benatia, un défenseur dans la force de l’âge avec un peu d’expérience n’est pas malvenu. Surtout qu’Höwedes ne vient pas pour faire de la figuration:«Je me considère comme un leader puisque pendant six ans, j’ai été capitaine de Schalke. Je l’étais aussi quand je jouais chez les jeunes, en fait, depuis que je suis petit j’ai l’habitude de ce rôle».
Ni pour faire de la figuration, ni pour remplacer Bonucci comme le sous entendaient les journalistes durant la conférence de presse: « Ici, je dois m’adapter, trouver ma place au sein de l’équipe, et je ne pense pas qu’il soit nécessaire de me comparer à Bonucci parce que je suis un joueur à part entière, avec un prcours propre et différent du sien. Je dois être jugé sur la base de mes prestations. En étant dans une telle équipe, j’apprendrai des autres joueurs, même si j’ai déjà pas mal d’expérience derrière moi. Je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour continuer à engranger les succès avec la Juventus».
Bien obligé d’insister sur ce fait, il continue de s’imposer : «Ma décision de jouer à la Juve n’a rien à voir avec les joueurs qui y ont joué dans le passé. Je sais que certains noms allemands qui y ont joué étaient très importants, comme Kohler que nous avons admiré et duquel nous sommes fiers, ou Reuter, ainsi que Khedira qui a atteint de grands objectifs ici. Je veux tracer ma route et non pas imiter celle des autres afin que la Juventus puisse continuer à être une équipe de premier rang. Je n’ai pas particulièrement d’idole dans le monde du foot, mais il suffit juste de penser à Buffon. Son nom est connu dans le monde entier, il a une personnalité et un charisme hors du commun et en observant ce type de joueur, on apprend beaucoup. Je suis heureux de pouvoir partager le terrain avec eux».
De plus, il n’a pas choisi le 19 de son prédécesseur mais le 21 qui a aussi sa légende à la Juve: «Le numéro 21 a été porté par des joueurs prestigieux, de Thuram à Dybala. C’est un honneur de pouvoir le porter, et si moi je n’ai aucun lien particulier avec celui-ci, il était toutefois parmi les numéros qui restaient le meilleur choix possible». En bref, Bene n’est ni Bonucci, ni Kohler, ni qui que ce soit d’ailleurs. Höwedes fera du Höwedes, et il démontre bien ici qu’il imposera sa propre personnalité sur le terrain.
Et quel joueur! Un véritable joker qui sait s’adapter aux différents modules proposés: «Je me définis comme un joueur polyvalent; je peux aussi bien jouer dans une défense à trois qu’à quatre, que ce soit en tant que défenseur central ou en tant que latéral. Beaucoup de mes entraîneurs ont apprécié ce côté là de moi, je suis toujours disponible, et je le serai aussi ici». Ah, quand on dit en latéral, on pense aux deux côtés évidemment.
Et à un journaliste qui le compare, encore une fois, à Kohler pour ses tacles il répond: «Les tacles sont ma spécialité, en même temps, ce serait bête que les défenseurs ne sachent pas tacler. Cependant, l’une de mes forces est aussi ma tête: j’ai beaucoup d’expérience et j’espère pouvoir la mettre au service de mes coéquipiers». Benedikt nous démontre joliment être doué pour les tacles sans même descendre sur le terrain.
Et enfin un petit mot sur son nouveau pays d’accueil: «L’Italie est un pays magnifique où l’on aime aller en vacances, du moins nous les allemands. Je n’ai pas encore eu assez de temps pour le découvrir, mais dans tous les cas j’essaierai de profiter au maximum de ce qu’offre Turin et ses environs. Pour le moment, je n’ai vu que peu de choses je dois l’admettre, mais j’espère que cela changera vite. J’espère connaître vite la ville, ainsi que la mentalité de ses habitants, c’est pour moi fondamental afin de comprendre ce qu’est réellement la Juve». En voilà un qui a compris qu’un club ne se dissociait pas de sa ville ni de son histoire.
Une autre démonstration pour la fin, en réponse à un journaliste qui lui demandait s’il avait rappelé à Higuain qu’il l’avait battu en finale de coupe du monde: «Nous nous sommes vus ce matin, et nous n’avons absolument pas parlé de la finale. Le premier jour, ce ne serait peut-être pas génial de se présenter ainsi». Effectivement.
Durant une conférence de presse qui aurait pu être des plus banales, Benedikt Höwedes a pourtant bel et bien fait preuve de caractère. Ce nouveau challenge, il se l’appropriera afin d’écrire son histoire en bianconero. Et bien qu’elle ne manque pas de patrons en défense, la Vieille Dame ne pourra que l’accueillir à bras ouverts.