Fortement voulu par le joueur et par la Juve, le transfert de Spinazzola n’aura finalement pas abouti. Mais l’impression est que tout le monde sort perdant de ce feuilleton, y-compris l’Atalanta.
Si l’on s’en tient seulement aux faits, l’Atalanta n’a certes fait que respecter un accord existant. Si deux sociétés signent un contrat, elles doivent le respecter. Si l’une d’entre elles souhaitent revoir les termes de ce contrat, elle doit convaincre l’autre société à l’accepter. Dans le même temps, si un joueur a signé un contrat avec un club, il est tenu de le respecter. Si pour une raison ou un autre, il change d’idées et souhaite jouer pour une autre équipe, il peut le faire savoir mais il doit cependant accepter la décision finale de celui à qui il appartient. Sur ce dernier point, le rapport de force entre les joueurs et les sociétés semble s’être inversé cet été. Certains ont obtenu gains de cause comme Dembele ou M’Bappé, d’autres en revanche ont perdu leur bras de fer à l’image de Coutinho et donc Spinazzola dans le cas de la Juventus.
L’Atalanta inflexible
L’Atalanta semble avoir fait de cette affaire un cas personnel. Les Lombards ont vu dans ce duel avec la Juventus un moyen de se faire respecter en entendre au niveau médiatique. Après avoir perdu Conti, qui avait lui aussi fait le forcing pour rejoindre Milan et Kessie, sans oublier Gagliardini cet hiver ainsi que Caldara et Bastoni l’été prochain, le Président Percassi a fait du cas Spinazzola un moyen de rappeler qu’il n’était pas destiné à céder à toutes les exigences des grandes équipes de Serie A. On peut seulement regretter qu’il ait choisi la Juventus pour le faire alors que les relations entre les deux clubs ont toujours été excellentes : on peut ainsi rappeler les transferts de Padoin, Peluso, Gabbiadini, Boakye et plus récemment Spinazzola, Caldara ou encore Orsolini. Les négociations de cet été risquent d’avoir des conséquences importantes sur l’avenir de ces relations. Si, sur le fond, on ne peut reprocher à l’Atalanta d’avoir seulement respecté un accord portant sur un prêt de deux saisons, on peut tout de même regretter le fait qu’elle se soit montrée autant inflexible alors qu’elle avait largement le temps de trouver un remplaçant au joueur et que la Juve était même prête à faire un effort pour faciliter le transfert de Laxalt du Genoa à La Dea.
Un cas ironique pour la Juventus
Au final, la plus grosse erreur qu’a commis la Juventus est bien d’avoir cédé ce prêt de deux ans, une formule qu’elle a réutilisé pour Caldara et Orsolini avec l’Atalanta mais aussi Pol Lirola avec Sassuolo. Les bianconeri n’ont pas anticipé la progression de Spinazzola, qui sortait pourtant d’une très bonne saison avec le Perugia en Serie B. Certes, l’explosion du joueur de couloir, au point de s’ouvrir les portes de la Nazionale, était assez inattendue.
En l’absence d’une doublure de qualité à Alex Sandro et avec l’opportunité de se séparer de Kwadwo Asamoah, l’occasion était trop belle. Seulement la Vieille Dame ne pensait pas rencontrer autant de difficultés à rompre un prêt avec une société avec lesquelles les relations sont cordiales et surtout forte de la volonté du joueur. Et c’est là quelque chose de particulièrement ironique pour la direction, qui s’engage toujours à ne pas retenir les joueurs contre leur volonté mais voit une fois de plus qu’elle est bien la seule à s’engager dans cette politique moralement noble mais sportivement déficitaire.
Dans les derniers jours du mercato, Beppe Marotta a évoqué un cas « humain » et il est vrai qu’on ne peut ressentir que de la compassion pour Spinazzola en tant qu’homme. Il aura espéré jusqu’au bout une issue heureuse à ce transfert, au point de se livrer le 28 août sur les Réseaux Sociaux avec un cri du cœur déchirant : « Je suis désolé. Je suis désolé si quelqu’un s’est senti offensé car ceux qui me connaissent savant quelle personne je suis et quelles sont mes valeurs. Avoir l’occasion de revenir à la Juventus est l’accomplissement d’un rêve. Un rêve pour lequel j’ai mouillé le maillot et je me suis battu, que j’ai toujours voulu et qui se concrétise finalement après des années de prêts et de sacrifices. Bergame, l’Atalanta et ses tifosi, la famille Percassi, le coach Gasperini et chacun des joueurs et des membres du staff ont été fondamentaux afin que ce rêve puisse se concrétiser et je les remercierai toujours. Bergame m’a accueilli et m’a fait grandir, mûrir et progresser, elle m’a soutenu et m’a aidé. Je serai toujours reconnaissant envers l’Atalanta, que je reste ou non un joueur nerazzurro. Parce que je suis un professionnel et parce que je suis content de porter ces couleurs avec lesquelles nous avons fait de grandes choses la saison dernière. Et quoiqu’il arrive, je continuerai à l’être. Mais ne me demandez pas d’arrêter de rêver. Parce qu’il y a des trains qui ne passent qu’une seule fois dans la vie et je ferai tout pour le prendre. Mais l’Atalanta restera toujours et en dépit de tout dans mon coeur ».
Tous perdants ?
« En tant que fils d’entraîneur, expliquait le 31 août Davide Lippi, fils de Marcello et agent de Spinazzola, je n’ai jamais vu un coach retenir un joueur qui ne sent plus à l’aise au sein d’un groupe. En tant qu’agent, je peux dire qu’on a très bien géré la situation et plus qu’un duel entre Spinazzola et l’Atalanta, il s’agissait surtout d’un duel entre la Juve et l’Atalanta. Il est normal que le joueur ait éprouvé le désir de rentrer à la maison après des années à vagabonder. Spinazzola n’a jamais manqué un entraînement, il a sauté quelques matchs officiels parce qu’il ne se sentait pas serein. Il a respecté ses coéquipiers et le club. Dans cette affaire, personne n’est gagnant ».
Il est effectivement difficile de lui donner tort : tout le monde semble perdant. Quel intérêt pour l’Atalanta de garder un joueur qui a tout fait pour partir, au point de sortir à découvert pour exprimer le désir d’accomplir son rêve ? Un joueur qu’elle est de plus destinée à perdre puisque le prêt arrivera à son terme en juin 2018. Sportivement, la Juventus s’inquiète aussi de savoir comment le joueur va digérer cette déception : sa courbe de progression va-t-elle subir un coup d’arrêt ? Enfin, les bianconeri ont du se résoudre à conserver Kwadwo Asamoah alors que ce dernier avait demandé à partir et trouvé un accord avec le Galatasaray. Espérons maintenant que ce cas serve de leçons à tous pour qu’à l’avenir, de nouvelles situations de ce genre ne se reproduisent plus.