L’histoire de la Juventus a souvent été écrite par un duo d’attaquants prolifiques. Après Baggio-Vialli ou Del Piero-Trezeguet, les bianconeri restaient orphelins d’un binôme buteur. Alors qu’on pensait qu’un doux flirt entre Ronaldo et Bernardeschi commençait à voir le jour en début de saison, la « telenova Juve » nous a offert un mid-season des plus éclatants. Au final et contre toute attente, le numéro 7 portugais a délaissé le bel étalon de Carrare pour s’éprendre du grand et solide croate Mandzukic. Zoom et analyse de cette bromance qui fait le bonheur d’une Juventus en quête de succès.
De la sueur, de la testostérone et de la complémentarité
Le duo peut pourtant paraître improbable sur le papier. Une idylle qui n’est pas sans rappeler celle de la belle et la bête. D’un côté, un croate adepte du coude, dur sur l’homme, rebelle de la forêt, membre émérite du côté obscur de la force, rustre et pionnier du « no good game« . De l’autre, un portugais adepte des tapis rouges, narcissique, obstétricien et grand professionnel de la gestation pour autrui, plus dur à certains endroits qu’un bloc de béton et qui empile les buts avec goût comme des azulejos sur de superbes fresques. Cette complémentarité hors terrain est décidément hors norme.
Il n’empêche, les apparences sont parfois bien trompeuses. « Miroir, miroir magique au mur, qui a talent plus pur ?« . La Juventus est devenue terriblement sexy avec Ronaldo. Elle était (re)devenue terriblement effrontée avec Mandzukic. Une équipe à l’ADN prolétaire mais à l’enveloppe raffinée. Sur le terrain l’entente est cordiale même si celle-ci peut surprendre. On savait que Ronaldo appréciait tout particulièrement les coéquipiers « vassaux », ceux qui jouaient pour lui, ceux qui n’avaient d’yeux que pour lui. Longtemps, il a été cette pierre précieuse qu’il fallait choyer et pour laquelle l’ensemble de l’effectif jouait. Une image d’enfant roi qui aurait pu coller parfaitement avec les mœurs des familles italiennes. Une vraisemblance pourtant écornée par le même joueur lui-même. En effet, le réputé « pleurnichard » n’a jamais été aussi collectif et altruiste que depuis son arrivée à la Juve.
Un sens du sacrifice que Mandzukic joue à la perfection depuis quelques saisons déjà. Adulé par presque tous les tifosi, le numéro 17 bianconero est l’archétype du joueur-bosseur, la science du placement et l’intellect du buteur en prime. En substance, il n’y a donc pas une star pour laquelle joue l’effectif mais seulement onze joueurs qui jouent pour un maillot. Mandzukic joue pour Ronaldo. Ronaldo joue pour Mandzukic. Mandzukic et Ronaldo jouent pour la Juventus. Quand l’un fait l’appel dans la profondeur, l’autre s’efforce de combler les lignes défensives. Quand l’un joue en pointe, l’autre apporte le feu sur les côtés. Mandzukic en position de 9, Ronaldo se place ailier offensif. Ronaldo en 9, Mandzukic joue l’ailier offensif. Le feu et la glace. Le Yin et le Yang. Tic et Tac.
Une influence et des statistiques impressionnantes
Cette importance et complémentarité sur le terrain n’est pas seulement le fait d’une interprétation. Les statistiques plaident aussi en leur faveur. S’il existe encore en ce bas monde des sceptiques sur Mario Mandzukic, regardez plutôt. Depuis le début de saison, le buteur croate, repositionné principalement en pointe, a déjà marqué 8 buts soit pointant déjà à 2 unités de son meilleur total lors de sa première année 2015/2016. De plus, le gaillard d’1 mètre 90 a marqué au moins un but contre l’ensemble des « 5 autres sorelle » (Lazio, la Roma, l’Inter, le Milan, le Napoli). Un tour de force qui ne peut pas passer inaperçu et qui prouve bien combien Mandzukic est un des éléments catalyseur dans les succès bianconeri.
De son côté, le fuoriclasse portugais a d’ores et déjà conquis le peuple juventino en squattant les cimes du classement des buteurs avec ses 14 réalisations (sur 19 rencontres), et ce, malgré un très léger temps d’adaptation dû à la rudesse italienne et ses défenses hermétiques. Avec un ratio de 0.74 but/match, il prouve encore une fois qu’il fait partie des meilleurs attaquants du monde et n’est dépassé que par Lionel Messi et ses 16 buts parmi les 5 grands championnats européens (Ligue 1, Serie A, Liga, Bundesliga, Premier League).
Ce duo est explosif. A eux deux, ils représentent 58% des buts marqués par la Juventus depuis le début de saison en Serie A (22 buts sur 38 marqués au total). A titre de comparaison, le duo Mbappe-Neymar ne pèse « que » 48% des buts inscrits par le PSG (24 buts marqués sur 50 total). De plus, au moins 1 but a été inscrit soit par Mandzukic, soit par Ronaldo sur un total de 16 journées/19 jusqu’à présent. Seuls les matchs contre le Chievo, Bologna et Cagliari n’ont donc pas vu l’un ou l’autre faire trembler les filets. Autre point important ; sur ces 19 journées totales, 8 ont été remportées grâce à des buts de l’un, l’autre ou les deux soit un total de 42% ! Un ratio impressionnant de presque un match gagné sur deux grâce à leur but auquel nous aurions pu très bien ajouter le match nul 1-1 contre la Genoa avec un but de CR7.
Cette outrageuse complémentarité n’est-elle pour autant pas castratrice pour le reste de l’effectif de la Juventus ? Une Juve sans Mandzukic et Ronaldo peut-elle tout de même être dangereuse ? L’avenir nous le dira mais ce serait bien mal les connaître. Mutants au service de l’équipe, ils savent aussi prendre leur responsabilité quand le besoin s’en fait ressentir. Tic-Mandzukic et Tac-Ronaldo, séducteurs de sa majesté la Vieille Dame. Tic-tac-tic-tac-tic-tac…l’horloge vers le succès est lancée. A eux de jouer.